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d’apreøs les eùcrits bouddhistes Nguyeân Phuc Buu
Taâp
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Au
cours des quarante dernieøres anneùes, le mouvement feùministe n’a cesseù
d’agiter l’opinion publique. Ainsi, si l’on ne consideøre que l’Organisation
des Nations Unies, elle a solennellement proclameù en 1952 la Deùclaration
des Droits Politiques des Femmes. L’anneùe 1975 fut baptiseùe Anneùe
Internationale des Droits de la Femme et vit l’organisation par les Nations
Unies de la Confeùrence Mondiale sur les Droits des Femmes aø Mexico. La
premieøre confeùrence sur les Droits aø la procreùation, aø la materniteù
et aø la liberteù de contraception et d’avortement eut lieu en 1985 aø
Nairobi, en Afrique. Enfin, dix ans plus tard, en 1995, se tint la Quatrieøme
Confeùrence Mondiale des Nations Unies sur les Femmes aø Beijing, en Chine.
Cette confeùrence regroupa 4000 repreùsentants des gouvernements de 185
pays, qui s’entretinrent pendant 10 jours de la manieøre de changer les
politiques nationales en vue d’ameùliorer les conditions de vie des femmes
dans les domaines de la santeù, de l’eùducation, de l’eùconomie et
de la politique.
Le mouvement feùministe a aussi toucheù le domaine religieux, ouø il s’est allieù aux mouvements reùformateurs. Il a ainsi eùbranleù jusqu’aux fondements des dogmes du Catholicisme, la religion la plus puissante et la plus riche, dans sa tentative de libeùrer les femmes des contraintes imposeùes dans leur vie familiale par une Eglise qui leur interdit le divorce, la contraception, l’avortement, etc. Ces mouvements militent eùgalement pour que les religieuses aient acceøs aø toutes les fonctions sacerdotales et jouissent de tous les droits accordeùs jusqu’ici aux seuls religieux. Sous d’autres cieux, dans les pays musulmans, le clergeù s’efforce de contrer les tendances qui voudraient changer la place de la femme dans la vie familiale, religieuse et sociale, en insistant sur l’importance des dogmes fondamentaux de l’Islam fondamentaliste qui ont toujours gouverneù la vie des femmes et devraient, selon eux, continuer aø limiter ses droits. Quelle est donc l’attitude du Bouddhisme face aø ces eùveùnements ? Beaucoup d’observateurs exteùrieurs consideørent depuis longtemps que la reùaction du Bouddhisme par rapport aux sujets brûlants de la vie quotidienne est pessimiste et conservatrice, quand ils ne se montrent pas encore plus durs en la qualifiant d’indiffeùrence ou meâme d’apathie. Cette opinion est-elle justifieùe ? Nous nous interrogerons donc sur la façon dont le Bouddhisme a, dans le passeù, consideùreù le roâle de la femme dans la socieùteù et dans la vie religieuse. Si nous parvenons aø deùterminer cette conception, nous pourrons en deùduire la position du Bouddhisme face au mouvement reùformateur feùministe actuel (1). Dans cet essai, nous nous
efforcerons tout d’abord de comprendre quelle a eùteù la position de
la femme au cours de l’histoire, tant en Orient qu’en Occident. De
laø, nous eùtudierons la conception traditionnelle de la femme qui est
attribueùe au Bouddhisme. Nous analyserons ensuite les textes du Canon
bouddhiste pour voir si les enseignements du Bouddha sont reùellement aussi
eùtroits et fermeùs vis-aø-vis des femmes qu’on le preùtend ou s’il
s’agit seulement d’une meùprise des geùneùrations suivantes. Enfin,
pour conclure, nous essaierons de deùterminer si le Bouddhisme a plutoât
tendance aø mettre des baâtons dans les roues du mouvement feùministe ou
s’il est preât aø lui porter main
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De
manieøre geùneùrale, les femmes comme les hommes ont de tous temps et en
tous lieux traditionnellement accepteù le postulat que l’homme eùtait
neù pour jouir de tous les droits et avantages alors que la femme eùtait
neùe pour servir et subir. Avec le temps, le caracteøre feùminin fut naturellement
perçu et deùfini comme " faible " (le " sexe faible "), sentimental, eùmotif,
peu porteù au raisonnement et aø l’eùtude, et accepteù comme tel, ce
qui justifiait la neùcessiteù d’assujettir la femme aø l’homme. L’organisation
sociale et les structures religieuses ont depuis toujours eùteù eùlaboreùes
sur base de cet aø-priori d’infeùrioriteù de la femme.
En Occident, la condition de la femme fut peùtrie dans la penseùe grecque et latine ainsi que dans les traditions juives et chreùtiennes. Les deux philosophes grecs qui ont poseù les bases de la penseùe occidentale sont Platon et Aristote. Platon, qui fut un contemporain du Bouddha, deùfendait une position progressiste qui octroyait aø la femme aristocrate (mais seulement elle) l’acceøs aø l’eùducation et la formation au pouvoir. Toutefois, dans la reùaliteù, le point de vue d’Aristote, selon lequel la femme devait eâtre " passive, soumise et silencieuse ", eùtait plus reùpandu. La socieùteù romaine aø son apogeùe permettait aux aristocrates de participer aux deùbats politiques et de geùrer leurs biens personnels. Neùanmoins, de manieøre geùneùrale, la majoriteù des femmes vivait sous la contrainte et subissait la meâme exploitation qu’en Orient. Sur le plan religieux, le
modeøle juif limite le roâle de la femme aø celui d’eùpouse et de meøre.
La religion juive toleøre la polygamie et donne aø l’homme le droit de
reùpudier sa femme. Au sein de la famille, c’est la meøre qui transmet
les enseignements religieux aø ses enfants et qui les surveille en ce domaine.
Toutefois, la femme n’a pas le droit de conduire la ceùreùmonie au temple
et il lui est interdit d’y mettre le pied en peùriode de menstruation.
Les deux cultures qui ont domineù l’Orient sont celles de la Chine et de l’Inde. Depuis l’antiquiteù jusqu’aø ce que s’eùtablissent les contacts avec l’Occident, la femme orientale a toujours eùteù totalement deùpendante de l’homme sans jamais s’eâtre reùvolteùe. Le Confucianisme, fondement meâme de l’organisation sociale chinoise, enferme la femme derrieøre les portes de sa maison graâce au principe des trois assujettissements et des quatre vertus qui proânent la domination de l’homme et l’obeùissance de la femme. Comme nous eùtudions le rapport entre le Bouddhisme et les droits des femmes, et comme le Bouddhisme est neù en Inde, nous eùtudierons de manieøre plus deùtailleùe l’histoire des droits de la femme en Inde. La plus ancienne civilisation de l’Inde fut la civilisation dravidienne. Les Dravidiens, une population aø la peau fonceùe comme celle des Africains, occupaient l’Inde avant que les Aryens ne quittent les plaines de l’Oural, aø la frontieøre entre l’Europe et l’Asie, pour envahir l’Inde deux mille ans avant le deùbut de l’eøre chreùtienne. Ils commenceørent par eùliminer les Dravidiens avant d’assimiler ce qui restait de leur peuple, et fondeørent la civilisation veùdique dont la langue et le systeøme de castes a perdureù jusqu’aø nos jours. La langue dravidienne n’est plus parleùe actuellement que par quelques tribus vivant dans les foreâts montagneuses du sud de l’Inde ; partout ailleurs, nous trouvons des langues aryennes (avec plus de mille dialectes reùgionaux), toutes issues du sanscrit. Le systeøme de castes repose sur les croyances religieuses et eùtablit une distinction entre les castes sur base de discriminations racistes. Cependant, au sein meâme de chaque caste, l’homme occupe toujours une position dominante et aø la femme une position de deùpendance et d’infeùrioriteù. Ne citons qu’un exemple pour illustrer cette situation : la tradition de la dot. A la naissance d’une fille, les membres de sa famille doivent peiner durement pour amasser la dot (ou pour en rembourser l’emprunt), un capital sans lequel ils ne peuvent espeùrer lui trouver un mari lorsqu’elle aura douze ou treize ans. Une fois marieùe, si son mari venait aø mourir avant elle, la femme devait le suivre dans la mort en se jetant dans le bûcher creùmatoire au cours d’une ceùreùmonie appeleùe " sati ". Telle eùtait donc la condition de la femme en Inde au moment ouø Śākyamuni eùtablit les fondements du Bouddhisme. |
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Le
cadre traditionnel dans lequel s’inscrit la naissance du Bouddhisme nous
laisse preùsager une conception neùgative de la femme, ce que viennent
confirmer les paroles du Bouddha au sujet des femmes ainsi que ses actions
lorsqu’il instaura et organisa la Saņgha.
Le Mahāparinirvāņasūtra
(S) raconte qu’Ānanda, le plus proche disciple du Bouddha, vint trouver
ce dernier alors qu’il eùtait sur le point d’entrer en parinirvāņa
dans le village de Kusinārā (P) (4),
et lui demanda comment les moines devaient se comporter aø l’eùgard des
femmes. " En redoublant toujours de vigilance ", reùpondit-il. Le Sattabhartyasutta
(P), qui fait partie de l’Anguttara Nikāya (P), reùsume les paroles
du Bouddha au sujet des femmes et note que celui-ci distinguait sept cateùgories
de femmes : trois cateùgories de femmes de mauvaise vie, trois cateùgories
de femmes douces et honneâtes, et - celle qu’il preùfeùrait – la cateùgorie
des femmes satisfaites de leur sort au foyer.
Les cinq obstacles, ou cinq interdits, sont les cinq eùtats supeùrieurs qu’une femme ne peut en aucune façon espeùrer atteindre, aø savoir l’eùtat du dieu Brahma, celui du dieu Indra, celui de protecteur du Dharma, de roi universel (cakravartin - S) et enfin celui de bodhisattva (le modeøle vers lequel tendent les efforts du pratiquant qui veut devenir un bouddha). Les soutras mentionnent aussi explicitement que le Bouddha regretta d’avoir accepteù l’entreùe des femmes dans la Sangha et qu’il dit aø ce propos : " Sans la preùsence des femmes, la doctrine serait resteùe florissante pendant 1000 ans, aø preùsent que des nonnes ont rejoint la Sangha, le deùclin adviendra 500 ans plus toât. " Telles sont les paroles du Bouddha que l’on rapporte en geùneùral. Ses actes refleøtent aussi une vision neùgative de la femme. Dans les reøgles du Vinaya, le Cullavaggasutta (P) relate comment fut fondeùe la Sangha des nonnes. La belle-meøre du Bouddha s’appelait Mahāpajati Gotami. Elle avait eùpouseù le roi Suddhodana, peøre du Bouddha, pour remplacer la meøre de ce dernier, qui eùtait morte peu apreøs sa naissance, et prendre soin de l’enfant. Lorsque le roi mourut, la reine Gotami vint trouver le Bouddha qui reùsidait alors dans la ville de Kapilavastu, et le pria d’accepter qu’elle et ses cinq cents suivantes renoncent aø la vie mondaine, prononcent les vœux et meønent la vie errante de nonnes mendiantes. Par trois fois, le Bouddha refusa sa requeâte. Il quitta ensuite Kapilavastu pour se rendre aø Vaiśālī. Gotami ne se deùcouragea pas. Elle se coupa les cheveux, s’habilla d’une simple cotonnade brune et, avec ses suivantes, suivit le Bouddha. Elles se tinrent dehors, aø l’entreùe du lieu ouø reùsidait le Bouddha, mains jointes en prieøre, les pieds gonfleùs et couverts de plaies d’avoir fait cette longue route pieds nus dans la boue et la saleteù. Emu aø cette vue, Ānanda vint plaider leur cause aupreøs du Bouddha mais, aø nouveau, celui-ci refusa aø trois reprises. Ānanda opta alors pour une approche deùtourneùe. Il demanda au Bouddha : " Bhagavant, si une femme intelligente renonce aø la vie mondaine et pratique assidûment en suivant correctement les meùthodes enseigneùes par le Tathāgata, pourra-t-elle obtenir le fruit ultime ? " Bien sûr, le Bouddha reùpondit que c’eùtait possible. Ānanda preùsenta alors les preuves de la conduite irreùprochable, de la deùtermination et de la motivation sinceøre de Gotami, et le Bouddha ne put plus refuser. Toutefois, il leur imposa des conditions speùcifiques, le Garudhamma (P), qui eùnonce les huit reøgles que doit respecter toute femme qui entre dans la communauteù des nonnes (6) : 1. Toute nonne, meâme si elle est centenaire, doit se lever en preùsence d’un moine et le saluer avec modestie et respect, meâme s’il s’agit d’un tout jeune moine ou d’un moine qui vient aø peine de prendre les vœux.A la lecture de ces reøgles, comment eùchapper aø l’impression que le Bouddha avait plus d’estime pour les hommes que pour les femmes ? Cette impression se renforce encore lorsque nous examinons le Nāgādattasūtra (S) (un soutra du Mahāyāna qui porte le numeùro 558 dans la bibliographie annoteùe de Taisho Dai, traduit au IIIeøme sieøcle par Dharmaraksa). Nāgādatta, la fille du roi des Nāgās, suivait la voie des bodhisattvas et avait fait le vœu d’atteindre l’eùtat de Bouddha. Mara tenta de la deùtourner de l’objectif qu’elle s’eùtait fixeù en lui disant : " Le Bouddha n’a-t-il pas enseigneù qu’une femme ne peut devenir une souveraine universelle ? Comment peux-tu deøs lors espeùrer devenir un Bouddha ? A quoi bon perdre ainsi ton temps ! " Nāgādatta ne se deùcouragea pourtant pas et elle perseùveùra dans sa pratique. Sa deùtermination et la force de son aspiration eùmurent le Bouddha qui envoya vers elle des rais de lumieøre qui la transformeørent en homme, et elle put ainsi atteindre l’eùveil. Cette anecdote de la meùtamorphose de Nāgādatta en homme apporte la preuve deùcisive que la doctrine bouddhiste conserve aø l’homme une position preùpondeùrante quant aø la pratique et aø la possibiliteù de reùaliser le but ultime puisque, si une femme veut atteindre ce but, elle doit au preùalable s’eâtre meùtamorphoseùe en homme. |
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Comme nous venons de le voir, les soutras nous donnent des preuves que le Bouddha, tant par ses paroles que par les reøgles qu’il a eùnonceùes, accorde une place preùpondeùrante aø l’homme et releøgue la femme aø un rang infeùrieur. Toutefois, c’est aussi dans les soutras que nous entendons le Bouddha Śākyamuni affirmer encore et encore que tous les eâtres sensibles ont en eux le germe de la bouddheùïteù et sont des bouddhas en puissance. Or les " eâtres sensibles " englobent tous les eâtres vivants, depuis les dinosaures jusqu’aux animalcules les plus insignifiants. Si nous en croyons les soutras, le Bouddha aurait donc mis la femme aø l’eùcart des eâtres sensibles et l’aurait consideùreùe comme un eâtre diffeùrent et aø part. Comment expliquer cette contradiction entre d’une part le regard profondeùment geùneùreux et extreâmement ouvert du Bouddha qui embrasse l’infiniteù des eâtres, et d’autre part l’ostracisme et la partialiteù envers le monde feùminin que les soutras lui attribuent tant dans ses paroles que dans ses actes ? L’unique façon de tirer ce probleøme au clair et de reùsoudre la contradiction apparente est d’utiliser la logique pour analyser chaque point tant au niveau des paroles que des actes. |
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Avant
d’entrer dans la discussion, nous pensons que les quelques remarques
geùneùrales qui suivent seront utiles pour nous mettre d’accord sur certaines
preùmices et eùviter des mises au point ulteùrieures. Nous nous efforçons
de nos jours de comprendre les paroles et le dharma du Bouddha (nous utilisons
ici le mot " dharma " dans son sens originel d’" action ") au travers
des soutras, mais que sont les soutras et comment devons-nous les comprendre
aø la lumieøre des sciences contemporaines ? Le mot sanscrit " sutra "
(" sutta " en pali) signifie une corde ou une ficelle qui lie. Les soutras
sont la mise par eùcrit du dharma, c’est-aø-dire les instructions de
pratique donneùes oralement par le Bouddha. Si l’eùcriture existait bien
en Inde aø l’eùpoque du Bouddha, ce n’eùtait encore toutefois que sous
une forme embryonnaire et elle eùtait peu utiliseùe. Le Bouddha a enseigneù
et transmis le dharma oralement. Ses disciples eùcoutaient et reùpeùtaient
ce qu’ils avaient entendu aø ceux qui n’avaient pas pu assister directement
aø l’enseignement. Apreøs la mort du Bouddha, ses disciples reùunirent
une grande assembleùe, connue sous le nom de Premier Concile (samgiti),
pour reùciter, compleùter et corriger les enseignements qu’ils avaient
en meùmoire. Ce n’est que plus tard que ces enseignements furent compileùs
par eùcrit.
Aucune recherche approfondie n’a jusqu’aø ce jour apporteù de preuve irreùfutable concernant deux eùleùments importants, aø savoir le moment ouø les soutras furent mis par eùcrit et la langue initiale qui fut utiliseùe pour cette transcription. En ce qui concerne l’eùpoque, les eùcoles Theravada de Ceylan et de Birmanie affirment que les soutras furent transcrits avant le reøgne de l’empereur Aśoka (273-232 avant J.C.) et que les eùcrits conserveùs actuellement au Sri Lanka constituent le Canon bouddhiste correct et leùgitime. Les chercheurs et eùrudits de la nouvelle geùneùration n’accordent pas trop de foi aø cette hypotheøse, car l’eùcole pali n’apporte aucune preuve pour eùtayer sa proposition. En ce qui concerne l’utilisation de la langue, les eùcoles de Ceylan et de Birmanie affirment eùgalement que le premier Canon bouddhiste a eùteù eùcrit en langue pali car le Bouddha s’exprimait et enseignait dans cette langue, et que les soutras en langue pali sont donc les textes leùgitimes. Toutefois, les recherches les plus reùcentes faisant usage de meùthodes scientifiques ont reùveùleù que le pali n’est devenu une langue posseùdant une eùcriture qu’apreøs le reøgne d’Aśoka, l’eùcriture graveùe sur les piliers d’Aśoka n’eùtant pas le pali. Qui plus est, le Bouddha ne parlait pas non plus le pali. Pour devenir une langue importante doteùe d’une eùcriture, un dialecte reùgional mineur comme le pali aurait dû certainement s’appuyer sur un dialecte reùgional important comme le Magadhi, la langue du royaume de Magadha ouø reùsidait le Bouddha, or le pali est au contraire apparenteù aø une langue de la reùgion de Sanchi, aø plus de mille kilomeøtres de la patrie du Bouddha. Pour les raisons eùnonceùes ci-dessus, les speùcialistes qui eùtudient le Bouddhisme s’interrogent sur l’eùpoque aø laquelle le pali a commenceù aø eâtre parleù et il ne reste plus grand monde pour oser affirmer en toute certitude que le Canon pali est le Canon originel. Nous ne pouvons noter qu’une chose avec certitude : le Canon pali qui est conserveù et transmis au Sri Lanka avec le statut de treùsor national doit reproduire les paroles du Bouddha de manieøre treøs fideøle. Neùanmoins, entre l’anneùe du parinirvāna et le moment ouø le Bouddhisme est arriveù au Sri Lanka, trois cents ans se sont eùcouleùs et deux cent ans seùparent encore le moment auquel les soutras commenceørent aø y eâtre transmis oralement et celui ouø ils furent transcrits en pali (au deùbut de l’eøre chreùtienne). Pendant plus d’un demi-milleùnaire, les soutras furent donc transmis oralement avant d’eâtre transcrits, sans aucune systeùmatisation et dans une langue d’eùvolution encore reùcente. Dans de telles circonstances, comment eâtre sûr que les textes eùcrits sur papier ou graveùs dans la pierre n’ont subi aucune modification, ajoute ou omission ? La trajectoire des soutras du Mahāyāna, reùdigeùs en sanscrit, est encore plus difficile aø retracer. A l’eùpoque du Bouddha, le sanscrit eùtait la langue et l’eùcriture des brahmanes, la caste des religieux et de l’aristocratie. Lorsque les armeùes musulmanes envahirent l’Inde, la guerre de conqueâte dura plus de quatre cent ans et les musulmans eùradiqueørent compleøtement la culture sanscrite. Partout ouø ils passaient, ils brûlaient les " livres heùreùtiques " (c’est-aø-dire les eùcrits bouddhistes) et exterminaient la " bande des chauves " (c’est-aø-dire les moines et les nonnes bouddhistes). Il ne resta plus en Inde apreøs leur passage le moindre eùcrit bouddhiste en sanscrit. Heureusement, un certain nombre de textes avaient eùteù emporteùs hors du pays, vers le nord, au Tibet puis en Chine, en suivant la route de la soie, et eùchappeørent ainsi aø la destruction. Ce n’est toutefois qu’au 8eøme sieøcle que le Tibet deùveloppa une eùcriture permettant de traduire les textes du sanscrit en tibeùtain, et mille ans apreøs le parinīrvāna du Bouddha que de grands maîtres indiens arriveørent en Chine pour transmettre et traduire les soutras. Ces transcriptions furent donc reùaliseùes dans les conditions particulieøres de cette eùpoque, en s’appuyant sur des techniques d’observation, de notation et d’imprimerie sommaires. A nouveau, comment oser affirmer avec certitude que les soutras en sanscrit ainsi traduits et recopieùs sur papier, sur soie ou graveùs dans le bois n’ont subi aucune modification, que rien n’en a eùteù omis, que rien n’y a eùteù ajouteù ? Nous devons aussi noter que, tant dans la civilisation indienne que dans la civilisation chinoise, les eùcrits faisaient l’objet d’un grand respect. On gardait sans oser le jeter le moindre morceau de papier portant quelques mots eùcrits. Kenneth Chen, responsable du programme de recherche sur le Bouddhisme aø l’universiteù de Princeton dans les anneùes ’70, compare les Chinois qui partaient en queâte des soutras aø des peâcheurs " lançant leurs filets dans la mer et ramassant tout ce qu’ils remontaient du fond, les gros poissons comme les petits, les coquillages comme le sable et les galets... " Nous devons donc garder aø l’esprit que si le Canon bouddhiste en pali et en sanscrit constitue l’œuvre intellectuelle de reùflexion et d’imagination la plus eùminente de l’humaniteù, nous devons neùanmoins eùtudier les textes avec un esprit critique et seùlectif. Seùlectionner ne suffit pas. Nous devons aussi aborder les eùcrits bouddhistes avec un esprit ouvert et souple. Tout au deùbut, le Bouddha a construit la charpente de sa doctrine. On pourrait le comparer aø un grand peintre qui jette sur la soie quelques traits de geùnie, esquissant le croquis qui preùpare le chef d’œuvre mais laissant volontairement son œuvre inacheveùe pour permettre aø ses successeurs de " reùaliser " la grande voie, de l’expliquer, de l’eùtendre et d’en deùvelopper tous les aspects en suivant le fil directeur de son esquisse de base. C’est ce qu’ont fait en Inde Asanga et Vasubandhu cinq cents ans apreøs le parinīrvāna, Nāgārjuna huit cents ans apreøs, et Bodhidharma, Zhi Yi (7) / (*a) ou Fa Shun (8) / (*b) en Chine plus de mille ans apreøs, ainsi que tant d’autres, tant en Chine qu’en Inde. Etant donneù l’absence de moyens de communication, il eùtait ineùvitable qu’eùmergent des divergences d’opinions ou des contradictions entre ces deùveloppements et ces exeùgeøses de la doctrine. Maintenant que nous avons une vue d’ensemble souple et compleøte de la probleùmatique des eùcrits bouddhistes, revenons au dialogue entre le Bouddha et Ānanda, ce dernier eùtant celui qui reùpeùta les paroles neùgatives du Bouddha aø l’encontre des femmes. Selon Alfred Foucher, chef du programme scientifique français d’eùtude du Bouddhisme en Asie au deùbut du vingtieøme sieøcle, cet eùchange eut lieu alors que le Bouddha, aliteù et malade, eùtait proche de l’agonie : - Baghavant, comment dois-je me comporter vis-aø-vis des femmes ?Ānanda eùtait le disciple de confiance et le serviteur du Bouddha. Il appartenait au clan des Śākya et c’eùtait un homme bon et geùneùreux qui, comme le Bouddha, avait du charisme et attirait les gens vers lui. De plus, Ānanda eùtait jeune et beau, et sa prestance lui valait l’attention de la gent feùminine. Les soutras racontent qu’aø plusieurs reprises, son caracteøre accommodant le fit succomber aø la seùduction de femmes deùvergondeùes. Lorsque le Bouddha l’apprenait, il le sauvait du peùcheù par des moyens miraculeux. Les soutras mentionnent eùgalement que le Bouddha, en contemplant les vies anteùrieures d’Ānanda, vit qu’il avait commis le crime d’abandonner sa femme et ses enfants. C’est pour ces raisons que le Bouddha refusa d’eùlever ce disciple fideøle qu’il aimait beaucoup au rang d’Arhat avant d’entrer en parinirvāna. Nous comprenons maintenant mieux les tenants et aboutissants de l’histoire. La question qu’Ānanda posa au Bouddha eùtait une question personnelle relative aø la façon dont il devait lui-meâme se comporter et la reùponse du Bouddha ne s’adressait aussi qu’aø lui seul, sur base de la compreùhension profonde qu’il avait du caracteøre d’Ānanda. En fait, Ānanda n’aurait pas dû poser une telle question aø un moment si proche de l’agonie du Bouddha, et il aurait encore moins dû reùpeùter publiquement sa reùponse, faisant passer le conseil tout personnel d’eùviter les femmes pour une reøgle geùneùrale valable pour tous les hommes. Ānanda eùtait quelqu’un d’une sinceùriteù absolue et c’est graâce aø sa meùmoire sans faille que les soutras purent eâtre compileùs en reproduisant de manieøre exacte et compleøte les enseignements du Bouddha, mais c’est aussi en raison de cette fideùliteù totale que l’intention du Bouddha a pu parfois eâtre mal interpreùteùe. Le cas que nous venons de mentionner en est un exemple typique. |
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La
classification eùtablie par le Bouddha reùpartissant les femmes en sept
cateùgories– depuis celle des femmes malhonneâtes et meùchantes jusqu’aø
celle des femmes douces et honneâtes– est aussi preùsenteù comme un signe
de son peu de consideùration pour la femme, car il releøgue celle-ci aø
des modeøles preùeùtablis et semble accorder sa preùfeùrence aø la cateùgorie
des femmes au foyer heureuses de leur sort. L’eùrudit japonais Y. Iwamoto
a eùtudieù les textes qui traitent de cette question et l’a expliqueùe
en deùtail dans son livre " Buddhism and Women ", (Regulus, 1980). Selon
lui, six soutras font eùtat de cette classification bouddhiste de la gent
feùminine :
1. L’Anguttara-Nikāya, dans le chapitre sur les femmes Sattabhariya (les sept cateùgories de femmes), dans le Canon pali.Le premier soutra citeù ci-dessus raconte que le Bouddha, alors qu’il seùjournait dans la demeure d’Anathapindika, donna des enseignements aø Sujata, la belle-fille de ce dernier, qui eùtait treøs familieøre des enseignements bouddhistes. Le Bouddha distingua sept cateùgories de femmes : 1) les femmes malhonneâtes et meùchantes, 2) les femmes cupides et voleuses, 3) les femmes qui argumentent sans cesse et veulent toujours avoir le dessus, 4) les femmes douces et morales qui font de bonnes meøres, 5) les femmes conciliantes et soucieuses de preùserver des relations harmonieuses dans la famille, qui sont d’excellentes sœurs, 6) les femmes douces et patientes qui savent s’effacer et font de bonnes amies, 7) les femmes au foyer qui se satisfont de leur sort et sont heureuses de vivre dans leur famille. Le soutra laisse entendre que cette dernieøre cateùgorie recueille la preùfeùrence du Bouddha, car il mentionne qu’apreøs avoir entendu cet enseignement, Sujata exprima le souhait de pouvoir vivre la vie des femmes de cette septieøme cateùgorie. Le deuxieøme soutra citeù, l’Ekottarāgama, scinde la gent feùminine en quatre cateùgories plus simples : les femmes qui remplissent la mission sacreùe de meøres, les femmes qui s’occupent avec grand soin de la subsistance de leur famille et en sont le pilier, les femmes au caracteøre reùcalcitrant et sauvage, les femmes qui savent se contenter de leur sort. Le troisieøme soutra, l’Asokadattavyakarana, reùpeøte la classification en sept cateùgories du soutra citeù en premier. Le quatrieøme soutra mentionneù,
" Les enseignements du Bouddha aux feùes / aux filles de la famille Jade",
parle tout particulieørement de la femme marieùe et en deùfinit cinq types
: 1) la femme qui aime et proteøge son mari comme un fils, 2) la femme
qui respecte et craint son mari comme le maître de la maison, 3) la femme
qui teùmoigne le meâme eùgard pour son mari que pour un freøre aîneù,
4) la femme qui sert son mari comme une servante, 5) la femme qui aime
tendrement son mari comme s’il eùtait l’autre moitieù d’elle-meâme.
Les titres des deux derniers soutras citeùs est treøs proche de celui du quatrieøme, mais la classification correspond aø celle du premier. Les soutras citeùs en 4, 5 et 6 eùnumeørent aussi les dix infortunes lieùes aø la condition feùminine dans la socieùteù indienne de l’eùpoque : 1) la naissance d’une fille est un malheur pour ses parents, 2) si ses parents l’eùleøvent, c’est aø contre cœur, 3) lorsqu’elle grandit, il faut se soucier de lui trouver un mari, 4) une fois marieùe, elle ne peut faire un pas sans en demander la permission, 5) lorsqu’elle se marie, elle doit couper tout lien avec ses parents et sa famille, 6) elle doit deùsormais vivre au deùpens de sa belle-famille, 7) la grossesse est une peùriode peùnible, 8) mettre au monde un enfant est treøs dangereux, 9) la femme vit en permanence dans l’angoisse d’eâtre abandonneùe par son mari, 10) accapareùe tout au long de son existence par ses occupations d’eùpouse et de meøre, la femme n’a pas la moindre marge de liberteù. Le professeur Iwamoto explique
en deùtail cette classification des femmes dans les soutras eùnumeùreùs
ci-dessus et preùsente le contexte dans lequel ces soutras mentionnent
chaque cateùgorie. Iwamoto analyse aussi les sections dans lesquelles les
soutras font reùfeùrence au sort tragique des femmes et il deùmontre que
les eùcrits bouddhistes sont les premiers aø faire eùtat des situations
affligeantes qui s’accumulent sur le dos des femmes depuis des geùneùrations
du fait meâme qu’elles sont consideùreùes comme infeùrieures. De cette
analyse, Iwamoto conclut qu’en geùneùral, une lecture attentive des passages
des soutras concernant les femmes permet de comprendre clairement que le
Bouddha enseignait pour changer cette conception antique et traditionnelle
de la femme ancreùe dans l’esprit de ses contemporains. Il n’acceptait
pas la situation de souffrance imposeùe aux femmes et souhaitait au contraire
que ses contemporains prennent conscience de tout ce que la position et
le caracteøre de la femme ont d’admirable, de digne et de positif, aø
mille lieues de l’image neùgative et nuisible que la civilisation traditionnelle
indienne lui avait fait endosser. Les lecteurs des geùneùrations suivantes
ont neùgligeù cet aspect progressif, constamment deùfendu par le bouddha,
et n’ont mis en avant que ce qu’ils voulaient eux-meâmes voir dans
les soutras, aø savoir une confirmation de la position infeùrieure de la
femme.
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Nous
pouvons aø preùsent laisser cet aspect provisoirement de coâteù pour passer
aø un autre point important qui a deùjaø causeù bien de la perplexiteù
et provoqueù de nombreuses discussions dans les cercles eùtudiant le Bouddhisme.
Le Bouddha lui-meâme aurait affirmeù qu’une femme ne peut pas se libeùrer,
eùchapper au samsāra et devenir un bouddha. Ces paroles sont citeùes dans
trois collections de soutras : 1) les soutras qui deùcrivent comment la
tante du Bouddha fonda la communauteù des nonnes, 2) l’Ekottarāgamasutta
(l’histoire de la princesse Muni, dans les Āgamas citeùs preùceùdemment),
3) le Soutra de la Porte du Dharma en quatre sections (13),
dans le Canon chinois.
Nous devons mentionner dans ce contexte le nom de deux chercheuses qui se sont inteùresseùes aø cette affirmation du Bouddha, I.B. Horner, auteur du livre " Women in Primitive Buddhism " (Routledge and Kegan, London, 1930) et Diana Mary Paul, auteur de l’ouvrage " Women in Buddhism " (Lancaster Miller, Berkeley, 1980), qui a continueù, cinquante ans plus tard, les recherches de la preùceùdente. Dans l’eùcole Mahāyāna japonaise, le professeur Kajiyama Yuichi a publieù un essai intituleù " Women in Buddhism " (Eastern Buddhism Review, vol. XV, #2), qui analyse le travail de recherche de Mesdames Horner et Mary Paul, en apportant quelques eùleùments neufs sur base de donneùes scientifiques. Ces auteurs font tous trois appel aø une meùthode qui permet d’estimer la date et l’origine d’un soutra lorsqu’il est introduit dans le Canon des eùcritures, de sorte que l’on puisse deùterminer pour chaque deùtail ou eùveùnement s’il est creùdible ou douteux. Pour bien comprendre la meùthode
que ces auteurs ont utiliseùe, nous devons aborder de manieøre sommaire
la seùparation des diffeùrentes eùcoles bouddhistes qui ont donneù naissance
aø une quantiteù impressionnante d’eùcrits. L’empereur Aśoka a conduit
le Bouddhisme aø son apogeùe. Apreøs sa mort (14),
la Sangha se seùpara en deux eùcoles, l’eùcole Sthaviravāda (S) (15)
, minoritaire, qui regroupait les moines les plus traditionalistes et conservateurs,
et l’eùcole Mahāsāmghika (S) (16)
qui comprenait la majoriteù des moines, des nonnes et des fideøles. De
ces deux courants naquirent un grand nombre d’eùcoles nouvelles au cours
des sieøcles suivants. Chaque eùcole basait ses enseignements sur certains
soutras qu’elle consideùrait comme essentiels et appliquait certaines
reøgles de pratique en harmonie avec le cadre particulier dans lequel elle
se deùveloppait. L’uniteù initiale fut donc progressivement perdue. Sous
le reøgne d’Aśoka, le prince heùritier Mahinda introduisit le Bouddhisme
au Sri Lanka, y apportant les soutras et les reøgles de discipline de l’eùcole
Sthaviravāda, qui prit ensuite le nom de Theravāda (P), la doctrine des
Anciens, c’est-aø-dire le Bouddhisme originel tel que nous le connaissons
aujourd’hui. L’eùcole Mahāsāmghika qui demeurait en Inde s’eùtendit
vers le Nord, gagna l’Asie centrale et arriva en Chine par la route de
la soie. Les eùcritures bouddhistes qui furent transmises en Chine ont
eùteù compileùes en quatre grandes collections, appeleùes Āgama et reùdigeùes
en sanscrit. Traduits en chinois, ils constitueørent la base de la doctrine
des eùcoles du Nord. Les eùcrits bouddhistes transmis au Sri Lanka furent
transcrits en pali et comprennent cinq grandes collections qui forment
la base de la doctrine de l’eùcole du Sud.
A preùsent que nous comprenons clairement la meùthode d’analyse expliqueùe ci-dessus, revenons aux paroles du Bouddha, qui aurait affirmeù qu’une femme ne peut pas reùaliser l’eùveil parce qu’elle en est entraveùe par les cinq obstacles. Cette affirmation repose sur trois collections de soutras. La premieøre comprend trois volumes : le volume des Lois en Cinq Parties (Mahisakasa), le Gotamisutra, et le soutra des recueils de reùtributions de Gotama (17) . La seconde collection comprend les extraits de l’Ekottarāgama qui relatent l’histoire de la princesse Muni. La troisieøme collection comprend le Bahudhatukasutta et le soutra de la Porte du Dharma en Cinq Sections (18). Tous les textes de la premieøre collection relatent comment la reine Gotami (tante et belle-meøre du Bouddha) fonda la communauteù des nonnes et, aø la fin de chaque soutra, sont ajouteùes les paroles du Bouddha eùnumeùrant les cinq obstacles qui limitent la condition feùminine. La position finale de cette section indique qu’elle ne se trouvait pas dans le texte initial. Les auteurs en apportent la preuve en citant trois autres soutras, l’Anguttara Nikāya, le Cullavagga et le Dharmaguptaka (faisant partie du Vinaya) qui relatent eùgalement l’eùtablissement de la Sangha des femmes par la reine Gotami et rapportent en deùtail exactement les meâmes faits, mais sans la moindre mention des cinq obstacles qui entravent les femmes. Les textes de la deuxieøme collection illustrent eùgalement la question des " cinq obstacles " aø partir d’une section de l’Ekottarāgama, dans le Canon chinois. Cette section de texte relate l’histoire de la princesse Muni. Cette histoire est eùgalement reprise avec exactement les meâmes deùtails, sans la moindre divergence, dans le " Soutra du Sage et du Sot " (traduction de Max Muller), mais cette fois sans aucune reùfeùrence aux " cinq obstacles ". La troisieøme collection comprend le Bahudhatukasutta (P) et la " Porte du Dharma en Cinq Sections " (Canon chinois). Le soutra en pali compare les avantages et les inconveùnients propres respectivement aø la condition masculine et aø la condition feùminine, et mentionne les cinq obstacles parmi les inconveùnients qui caracteùrisent la condition feùminine. Deux volumes correspondent au Bahudhatukasutta dans le Canon chinois : le Madhyāmāgama (S) et la " Porte du Dharma en Quatre Sections " (19), traduits par le maître Faxian (20) 1500 ans apreøs le nirvāna du Bouddha. Le premier texte ne mentionne nullement les cinq obstacles, par contre ils apparaissent dans la traduction de Faxian. Apreøs deùlibeùration, les chercheurs ont conclu que la section mentionnant les cinq obstacles avait eùteù rajouteùe ulteùrieurement. Outre les trois collections
eùnumeùreùes ci-dessus, le professeur Kajiyama Yuichi cite eùgalement un
soutra appartenant aø l’Anguttara Nikāya, dans le systeøme pali, qui
mentionne les cinq obstacles. Toutefois ce soutra n’a pas d’eùquivalent
dans le Canon chinois et nous n’avons donc pas suffisamment d’eùleùments
comparatifs.
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Etudions maintenant une autre affirmation attribueùe au Bouddha, illustrant son pessimisme quant aux capaciteùs des femmes. Il aurait dit que ses enseignements seraient resteùs florissants pendant 1000 ans sans la fondation de la Sangha des nonnes, mais qu’en raison de la preùsence des femmes dans la Sangha, ils commenceraient aø deùcliner 500 ans plus toât. Nous trouvons cette phrase dans la section qui cloâture le soutra relatant la fondation de la Sangha des nonnes par la reine Gotami (le Cullavaggasutta, faisant partie du Vinaya Pitaka). En appliquant la meùthode de datation des soutras, l’eùrudit Kajiyama Yuichi et le professeur Nakamura (dans le livre Indo Kodaishi, " Histoire de l’Inde Antique ") apportent la preuve que les soutras relatant cet eùveùnement ont tous eùteù eùcrits 500 ans apreøs le nirvāna du Bouddha. Le Bouddha a reùaliseù l’eùveil sous l’arbre de la bodhi en 423 avant J.C. C’est cinq ans plus tard, en 418, que fut eùtablie la communauteù des nonnes. Les soutras qui relatent cet eùveùnement ont eùteù eùcrit 500 ans plus tard, soit au deùbut de l’eøre chreùtienne, aø l’eùpoque ouø l’eùcole traditionnelle des Anciens ceùdait la place au Grand Veùhicule qui se deùveloppait en force. En raison meâme de cet important deùveloppement, l’eùcole Mahāyāna dût s’appuyer sur la base traditionnelle du peuple dans la socieùteù indienne de l’eùpoque, qui accordait aø l’homme une position preùeùminente par rapport aø la femme. C’est pour cette raison que le preùjugeù de respect de l’homme et de meùpris de la femme qui preùvalait dans l’opinion publique fut introduit dans les soutras. Les eùrudits japonais affirment que telle est la veùriteù et expliquent ainsi la preùsence dans les eùcritures d’une phrase que le Bouddha n’a jamais prononceùe. |
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Dans
notre eùtude de la conception partiale, favorisant les hommes et deùpreùciant
les femmes, qui aurait eùteù celle du Bouddha, nous avons proposeù preùceùdemment
de distinguer deux rubriques : d’une part les paroles qui lui sont attribueùes
et d’autre part ses actions lorsqu’il reùpand le Dharma. Nous avons
clairement deùmontreù que les paroles peu respectueuses de la gent feùminine
qui lui sont attribueùes ont toutes eùteù introduites dans les textes par
inadvertance ou intentionnellement par ses successeurs. Consideùrons aø
preùsent les actions du Bouddha qui semblent refleùter son peu d’estime
des femmes.
Le Bouddha accepta que Gotami fonde la communauteù des nonnes aø condition que les nonnes (bikkhuni) se conforment aux huit reøgles particulieøres du Garudhamma (cf. ci-dessus), en plus de toutes les reøgles observeùes par les moines dans la Sangha. Depuis 1930 - l’anneùe qui vit la publication de l’ouvrage de la nonne I.B. Horner (elle devint plus tard preùsidente de la Pali Text Society de Londres), le premier ouvrage d’avant garde aø aborder le sujet du droit des femmes dans le Bouddhisme - jusque dans les anneùes ‘80, de nombreux travaux de recherches sont venus eùtayer la position de I.B. Horner et leurs reùsultats ont eùteù publieùs. Nous pouvons reùsumer ces travaux de recherches en les regroupant en trois groupes : Inde/Ceylan , Japon et Occident. |
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Comme repreùsentants typiques du groupe Indo/Ceylanais, nous trouvons le professeur Rama Prasad Chaudhuri avec son livre " Position of Women in Early Buddhism Monasticism " (La Position de la Femme dans la Vie Monastique Bouddhiste aø ses Deùbuts), eùcrit aø la fin des anneùes ‘30, et madame L.S. Dewajara, professeur aø l’Universiteù de Colombo, dans son ouvrage " The Position of Women in Buddhism " (La Position de la Femme dans le Bouddhisme) BPS, Kandy, Ceylan, 1981. La position des auteurs asiatiques est reùsumeùe dans ces deux ouvrages qui, bien que treøs rigoureux, n’en restent pas moins teinteùs de conservatisme. Ces auteurs preùsentent la socieùteù indienne aø l’eùpoque du Bouddha comme semi-civiliseùe, et le pays comme peu sûr et infesteù de brigands. Ceux qui optaient pour la vie religieuse devaient quitter leur famille pour vivre sans foyer ni abri dans les foreâts et les lieux sauvages. Un moine pouvait peut-eâtre se deùfendre contre les voleurs, les beâtes feùroces et les serpents venimeux, mais certainement pas une nonne. De plus, au sein meâme de la Sangha des moines, la discipline eùtait treøs laâche, car comment assurer une stricte discipline au sein d’une communauteù comptant des dizaines ou des centaines de milliers de personnes ayant quitteù de leur plein greù la vie mondaine pour vivre une existence errante ? Ils deùpendaient entieørement de la geùneùrositeù de leurs bienfaiteurs et eùtaient reùduits aø manger des herbes sauvages et aø errer nus en situation de disette. C’est, d’apreøs eux, la raison pour laquelle le Bouddha a eùdicteù les reøgles du Garudhamma, sans doute aø contre cœur, mais avec l’intention de proteùger les nonnes. Les auteurs en concluent que les femmes qui entrent dans la vie religieuse doivent comprendre que ces reøgles ont en fait eùteù eùtablies pour leur plus grand bien et celui de tous, et qu’elles ne sont nullement des mesures discriminatoires. Mais dans la reùaliteù des faits, si l’on regarde la situation d’un peu plus preøs et de manieøre objective, il est sans doute aiseù d’instiguer les femmes - sous preùtexte de vertu - aø transcender ces mesures et aø eùviter de prendre les principes au pied de la lettre, mais il est autrement difficile de reùfuter la reùaliteù d’une discrimination par trop eùvidente. |
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Le
Mahāyāna japonais, avec ses nombreux chercheurs et la richesse de ses
ressources mateùrielles, a deùveloppeù une position davantage susceptible
de convaincre ceux qui eùtudient le Bouddhisme. Nous avons tout d’abord
le professeur E. Ocho, eùrudit bouddhiste renommeù, qui a eùcrit le livre
" Le Bouddhisme vis-aø-vis de la Femme ", paru avant la deuxieøme guerre
mondiale. Ce livre explique le manque d’estime du Bouddha pour les femmes
par deux arguments. Le premier, c’est que la Sangha des moines a eùteù
fondeùe en premier, qu’elle a connu un grand succeøs et qu’elle a donc
neùcessairement servi de modeøle aø la Sangha des nonnes, dont la creùation
eut lieu ulteùrieurement. Les nonnes auraient ainsi dû subir, selon lui,
un handicap pour des raisons d’organisation et de gestion. Le deuxieøme
argument, c’est que la femme eùtant instinctivement attireùe vers le
peùcheù par nature, le Bouddha devait neùcessairement lui imposer des reøgles
de conduite plus seùveøres.
Malgreù sa vaste et profonde eùrudition, le professeur Ocho a lui aussi adheùreù aø la position conservatrice du groupe Indo-ceylanais citeùe plus haut. Les deux arguments qu’il avance ont eùteù mis en doute par ses condisciples pour leur manque de fondement solide. Premieørement, le Bouddhisme de l’eùpoque eùtait comparable en ampleur et en importance au Jaïnisme. Or, dans le Jaïnisme, les communauteùs de moines et de nonnes ont eùteù fondeùes simultaneùment et la communauteù des nonnes a connu un deùveloppement double de celui des moines. Leur chef spirituel et fondateur, Mahavira, n’a jamais eùdicteù de reøgles rabaissant les femmes et pourtant, dans les faits, la communauteù des nonnes eùtait assujettie aø celle des moines et eùtait moins bien consideùreùe. Ce n’est donc pas parce que la Sangha des moines a vu le jour avant la Sangha des nonnes que les moines jouissaient d’un statut plus eùleveù que celui de leurs condisciples feùminines. Deuxieømement, les penchants inneùs de la femme ne la portent pas davantage que l’homme vers le peùcheù. Si nous lisons attentivement les soutras du Mahāyāna, nous y trouverons de nombreux eùchos des fautes commises par des moines sans moraliteù qui souillaient la reùputation de la Sangha. Au contraire, du coâteù des nonnes, on ne relate quasiment nulle part de cas de nonnes ayant commis des fautes. La conception conservatrice du professeur Ocho a d’ailleurs eùteù immeùdiatement reùfuteùe par un grand maître et eùrudit indien, Dharmananda Kosambi. Ayant eùtudieù le sujet en profondeur, ce dernier eùmet un jugement sans appel : les huit reøgles du Garudhamma n’ont pas eùteù eùdicteùes par le Bouddha, mais ce sont les moines des geùneùrations suivantes qui, pour preùserver leurs privileøges en tant qu’individus ou en tant que collectiviteù masculine, ou en raison de neùcessiteùs particulieøres neùes des circonstances, les ont inventeùes, ajouteùes aux soutras et preùsenteùes comme l’enseignement meâme du Bouddha. Il eùtaye sa prise de position par de nombreuses preuves. Consideùrons l’une d’elles pour nous laisser convaincre. Les soutras mentionnent clairement que le Bouddha avait une manieøre de proceùder immuable pour fixer les reøgles qui constitueraient les preùceptes du Vinaya. Il laissait toujours la vie de la communauteù y conduire naturellement. Lorsque survenait un incident neùcessitant une intervention, le probleøme eùtait abordeù lors des reùunions de la Sangha qui avaient lieu les jours d’observance (uposatha - P) au deùbut et au-milieu de chaque mois. La question eùtait deùbattue pour arriver aø un accord collectif qui eùtait ensuite soumis aø la deùcision finale du Bouddha qui l’eùrigeait alors en reøgle de conduite. Les soutras racontent que Śariputra vint trouver le Bouddha aø plusieurs reprises apreøs l’eùtablissement de la Sangha pour lui demander d’eùdicter de manieøre formelle un code exhaustif de l’ensemble des reøgles aø observer par tous, pour faciliter une organisation harmonieuse de la vie communautaire. Le Bouddha reùpondit : " Śariputra, sois patient. Le Tathāgata sait quand il doit eùdicter une reøgle. Tant qu’aucun moine ne commet de nouvelle faute, il ne peut pas eùdicter une reøgle pour eùviter un mal qui n’est pas encore survenu. ". Le cas du Garudhamma se situe donc tout aø fait en dehors de la proceùdure habituellement suivie par le Bouddha pour eùnoncer des reøgles de conduite. La Sangha des nonnes venait d’eâtre fondeùe, personne n’avait encore commis de faute, pourquoi fallait-il deùjaø eùtablir des reøgles restrictives ? De laø la certitude que le Garudhamma n’a pas eùteù eùdicteù par le Bouddha aø l’eùpoque originelle. Du fait du deùveloppement de la Sangha, la vie en son sein devint de plus en plus complexe. Ceux qui en assumeørent la responsabiliteù apreøs le Bouddha n’avaient ni son prestige ni sa vision toleùrante et profondeùment compatissante, ce qui explique pourquoi ils inclurent parfois dans les reøgles de discipline certaines obligations qui manquaient de luciditeù, le garudhamma en eùtant un exemple typique. |
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Les
chercheurs occidentaux du troisieøme groupe sont encore plus radicaux.
Ils accusent formellement les moines d’eâtre les auteurs des sections
du Vinaya qui limitent les activiteùs des nonnes. Les porte-paroles de
cette position sont C.A.F. Rhys Davids et I.B. Horner, toutes deux eùrudites
de renom deùjaø citeùes. Le jugement de Mme Rhys Davids tranche comme un
rasoir : " Une des plus grandes difficulteùs rencontreùes lors de
la traduction des soutras pali, c’est preùciseùment que de nombreux passages
proviennent d’origines diffeùrentes, ont eùteù corrigeùs, modifieùs ou
reùeùcrits, et que l’on remarque clairement qu’ils ont eùteù changeùs
par des moines beaucoup plus tardivement. Il faut deùterminer avec preùcision
quelles sont les sections qui ont eùteù modifieùes par les geùneùrations
suivantes et ce n’est qu’alors que l’on peut espeùrer les rectifier.
De nombreux passages des soutras refleøtent ainsi la partialiteù des moines
en faveur de la gent masculine, valorisant les hommes par rapport aux femmes
et les religieux par rapport aux laïcs, et ces passages sont intentionnellement
preùsenteùs comme les paroles du Bouddha lui-meâme. " (Extrait de la preùface
eùcrite par Mme Rhys Davids au deùbut de son livre " Women in Primitive
Buddhism ", op.cit.)
La nonne I.B. Horner deùmontre quant aø elle par la meùthode analytique que, du vivant du Bouddha, aucune distinction entre moines et nonnes n’eùtait eùtablie et que les femmes, tout autant que les hommes, pouvaient devenir des Arhats. Apreøs le parinirvāna du Bouddha, le Bouddhisme se scinda en de nombreuses eùcoles. Ce fut le deùbut de la peùriode correspondant au Hīnayāna, au cours de laquelle apparut la croyance en l’incapaciteù de la femme d’atteindre la reùalisation. Au deùbut de notre eøre, l’eùcole Mahāyāna eùtait en pleine expansion et la conviction de l’eùgaliteù de l’homme et de la femme sur le plan de la pratique se reùpandit, baseùe l’ideùe de la " vacuiteù " des constituants tant de l’homme que de la femme (selon la philosophie de la prajñā). L’eùcole Mahāyāna vit aussi se deùvelopper une foi enthousiaste dans le Bouddha Amitābha, qui manifestait une compassion toute particulieøre pour la faiblesse des femmes, assurant celles-ci d’une renaissance dans la grande feùliciteù de sa Terre Pure de l’Ouest si elles reùcitaient simplement son nom. La position de la femme s’en trouva reùhabiliteùe et eâtre une femme en vint ainsi aø eâtre consideùreù comme un eùtat extreâmement privileùgieù. Cette argumentation percutante, reposant sur des faits eùtablis, nous force aø croire que les chapitres qui eùnoncent des reøgles seùveøres rabaissant les nonnes ne sont pas l’œuvre du Bouddha aø l’eùpoque des deùbuts du Bouddhisme. Un autre eùleùment qui alimente les reproches adresseùs au Bouddha par les geùneùrations suivantes quant aø son traitement injuste des femmes est le fait qu’une pratiquante d’un haut niveau de reùalisation doive se changer en homme si elle veut atteindre l’eùtat de Bouddha. Nous avons deùjaø citeù preùceùdemment le cas de la princesse Nagadatta dans le Nagadattasutra. D’apreøs le professeur Naresh Mantri dans son article " On Women attaining Buddhahood " (Les femmes ayant atteint la Bouddheùiteù), Young East Review, 1962, les cas de femmes ayant dû changer de sexe pour reùaliser l’eùveil sont citeùs dans de nombreux autres soutras en dehors du Nagadatta. Le Saddharmapundarīka sutra relate ainsi l’histoire de la princesse Nara qui dut prendre une forme masculine pour reùaliser l’eùveil. L’Astasāhasrikāprajñāpāramitāsūtra raconte aussi que le Bouddha transforma Gandadeva en homme pour qu’elle puisse devenir un bouddha. De nombreuses histoires similaires apparaissent eùgalement dans le Canon chinois. Le professeur Mantri reùsume eùgalement, dans l’article deùjaø citeù, les diffeùrents arguments que les eùrudits bouddhistes ont avanceùs, tant autrefois que de nos jours, pour leùgitimer l’eùgaliteù des hommes et des femmes telle qu’elle apparaît dans les soutras, et nous pouvons en citer quelques exemples. Dans le courant du premier sieøcle (de l’eøre chreùtienne), le Mahāyāna s’eùtait fortement deùveloppeù et un grand nombre de femmes choisirent la vie monastique. A cette eùpoque, la religion fleurissait sous le reùgime monarchique et elle impreùgnait toute l’atmospheøre de la vie des princes, des princesses et de la Cour. De ce fait, les chefs spirituels s’efforçaient d’aplanir les contradictions doctrinales. Ils devaient d’une part laisser entendre aux pratiquantes qu’elles pouvaient atteindre la libeùration, mais ils ne pouvaient pas non plus ignorer ou modifier la notion des " cinq obstacles " (mentionnant notamment qu’une femme ne pouvait devenir ni un souverain universel ni un bodhisattva) qui avait eùteù introduite auparavant dans les soutras et qui constituait la base du systeøme monarchique patriarcal. Il ne leur restait donc plus qu’aø inventer l’ideùe d’un changement de sexe de dernieøre minute, la femme se transformant en homme juste avant d’atteindre le but ultime de la bouddheùiteù. C’est aussi dans le courant de ce premier sieøcle, soit 500 ans apreøs le nirvāna, que se deùveloppa dans l’eùcole Mahāyāna une foi profonde dans le pouvoir libeùrateur du Bouddha Amitābha, ainsi que le mentionne Mme Horner. Or, la terre de grande feùliciteù de l’Ouest ouø enseigne le Bouddha Amitābha est deùcrite par le Bouddha Śākyamuni comme un lieu ouø ne reùsident que des hommes. On n’y trouve pas la moindre femme. Pourquoi ? La cause principale de la souffrance n’est autre que le deùsir sensuel (passion, deùsir sexuel). Si l’on veut reùaliser la grande feùliciteù du paradis occidental, il faut avoir totalement eùlimineù tout deùsir sensuel et, deøs lors, la notion meâme de distinction entre les sexes disparaît compleøtement. L’ideùe d’eùlimination du deùsir apparaît explicitement dans les soutras de la prajñā (forme, vacuiteù). Le professeur Mantri cite un passage du Vajracchedikāprajñāpāramitāsūtra, qui enseigne que : " …quand bien meâme aurait-on les trente-deux marques(21), on n’en devient pas pour autant un Bouddha. Le Bouddha est sans forme, il n’a ni forme masculine, ni forme feùminine. " Comprendre parfaitement ce passage du soutra, c’est comprendre la reùhabilitation de la femme dans le Bouddhisme. Elle n’a plus aø deùpendre (et ne l’a jamais dû) d’un artifice magique ou d’un miracle pour pouvoir atteindre la libeùration, mais c’est par elle-meâme qu’elle peut actualiser son droit d’eâtre un eâtre humain aø part entieøre et de devenir un bouddha. |
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Dans
un soutra du Canon chinois (c)
, " l’assembleùe ouø se manifestent les bodhisattvas au corps immaculeù
" (22), Maudgalyāyana demande aø Vimadatta
: " Comment se fait-il qu’apreøs tant de kalpas de pratique, vous n’ayez
pas encore pris un corps masculin pour reùaliser l’eùveil ? " Elle lui
reùpondit : " J’ai entendu dire que vous eùtiez le disciple du
Bouddha doteù des plus grands pouvoirs miraculeux, comment se fait-il deøs
lors que vous n’ayez pas encore quitteù cette forme physique masculine
pour vous changer en femme ? " Maudgalyāyana ne put rien reùpondre. Elle
continua donc : " Le corps du bouddha n’est ni masculin ni feùminin,
il ne naît ni ne meurt. "
Si meâme Maudgalyāyana a pu se tromper, aø plus forte raison des eâtres ordinaires comme nous. Les gens des geùneùrations suivantes lurent les soutras sans chercher aø les comprendre et attribueørent ainsi au Bouddha des paroles qu’il n’avait jamais prononceùes et des actes qu’il n’avait jamais poseùs. |
Nguyeân
Phuc Buu Taâp
(Traduit du vietnamien par Corinne Segers) |
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(*a)-
Zhi
Yi (539-577) Patriarche de l’eùcole TianTai, "Les Terrasses
du Ciel", l’une des principales eùcoles Mahayanistes chinoises. Elle
porte le nom de la chaîne de montagnes du Zhejiang ouø Zhi Yi choisit
d’eùtablir son monasteøre en 576. Formeù aø l’eùtude des principaux
sutras par son maître Hui Si (515-577), Zhi Yi entreprit sous son influence
la syntheøse des enseignements theùoriques et pratiques du Bouddhisme en
s’inspirant de la vue exposeùe dans le Sutra du Lotus qu’il consideùrait
comme le pinacle de tous les enseignements du Bouddha. Cet effort de systeùmatisation,
ouø l’on trouvera reùunis la discipline monastique du Vinaya issue du
Hinayana, les vues du Mahayana sur la vacuiteù et l’esprit seul reùconcilieùes
dans la syntheøse des " Trois Veùriteùs parfaitement harmoniseùes " et
une pratique du Dhyana reùunissant samatha et vipasyana, valut aø l’eùcole
Tiantai un succeøs immeùdiat. (Ndt : d’apreøs le Dictionnaire Encyclopeùdique
du Bouddhisme, Philippe Cornu, Seuil, 2002)
(*b)Du Shun ou Fa Shun (557-640) : Patriarche de l’eùcole Huayan. Il fut d’abord simple soldat puis se fit moine alors qu’il n’avait que 18 ans. Il se consacra entieørement aø l’eùtude de l’Avatamsakasūtra. Surnommeù le ‘Bodhisattva de Dunhuang’, il accomplit de nombreux miracles et s’attira la sympathie de l’Empereur Wen des Sui. Il fonda l’eùcole Huayan en eùtablissant la classification des eùcritures en cinq types d’enseignements et eùcrivit deux commentaires, le "Śamatha – Vipaśyana des Cinq Enseignements" (Wujing zhiguan) et la "Porte de la Vision Profonde du Dharmadatū" (Fajie guanmen). (Ndt : d’apreøs le Dictionnaire Encyclopeùdique du Bouddhisme, Philippe Cornu, Seuil, 2002) (*c)Cette
histoire refleøte le dialogue entre Shāriputra et une deùesse, qui apparaît
dans le chapitre 7 du Vimalakīrtinirdeśasūtra Soutra : "Vision des Etres":
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_____________________________________________ |
(1).
Remarque de la traductrice (NdT) : ce dernier point n’est toutefois pas
pleinement deùveloppeù dans cet article, bien que les conclusions auxquelles
l’auteur arrive nous donnent implicitement des eùleùments de reùponse.
(2). Meâme remarque qu’en 1. (Ndt) (3). Dans cette traduction française, nous mentionnerons seulement, si neùcessaire, la traduction française du terme sanscrit ou pali (NdT) (4). Kuśinagara (S) (5). Phaât thuyeât Ngoc nu gia kinh (un soutra traduit en chinois aø partir du sanscrit - traduction provisoire proposeùe aø partir du vietnamien, le titre chinois ou l’eùquivalent sanscrit n’eùtant pas citeù par l’auteur de cet essai. NdT)) (6). Encyclopedia of Buddhism QIII, p. 43 (7). Trí Khaûi en vietnamien (voir note en fin de texte) (8). Ñoã Thuaän en vietnamien (voir note en fin de texte) (9). Traduction libre aø partir du vietnamien, la traductrice n’ayant pas le texte dont la reùfeùrence est ici donneùe par l’auteur. (10). Kinh Phaät thuyeát Ngoïc gia nöõ (Vietnamien) – (Traduction provisoire proposeùe aø partir du vietnamien, le titre chinois ou l’eùquivalent sanscrit n’eùtant pas citeù par l’auteur de cet essai. NdT) (11). Kinh Ngoïc gia nöõ (Vietnamien – voir note n°8) (12). Kinh Ngoïc gia (Vietnamien– voir note n°8) (13). Kinh Töù Phaåm Phaùp Moân (Traduction provisoire proposeùe aø partir du vietnamien, le titre chinois ou l’eùquivalent sanscrit n’eùtant pas citeù par l’auteur de cet essai. NdT) (14). En fait apreøs le Troisieøme Concile, parfois appeleù Concile de Pātaliputra (NdT) (15). Sthaviravāda : la Doctrine des Anciens (16). Mahāsāmghika : la Grande Assembleùe (17). Coà ñaøm di kyù quaû kinh (Traduction provisoire proposeùe aø partir du vietnamien, le titre chinois ou l’eùquivalent sanscrit n’eùtant pas citeù par l’auteur de cet essai. NdT) (18). Nguõ Phaåm Phaùp Moân Kinh (vietnamien – meâme remarque que pour la note 15) (19). Töù phaåm Phaùp Moân (vietnamien – meâme remarque que pour la note 15) (20). Phaùp Hieân (vietnamien) : un des principaux peùlerins chinois en Inde (deuxieøme moitieù du 4eøme sieøcle). Il en ramena de nombreux textes dont il entreprit la traduction. (21). Ces trente-deux marques sont les caracteùristiques physiques d’un bouddha. (NdT) (22). Voâ caáu thi boà taùt öùng bieàn (vietnamien – meâme remarque que pour la note 15) |
[ Trôû Veà ]