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POESIE ET SPIRITUALITE DANS L'ANCIEN VIET NAM
(A travers quelques exemples repreùsentatifs)Quach Thanh Tam
Parler de spiritualiteù, surtout en utilisant une langue occidentale, risque aø tout moment de glisser vers une interpreùtation moderne du terme liant automatiquement concept et religion chreùtienne. Parler de spiritualiteù en terre vietnamienne avant l'eùpoque contemporaine aø travers son expression poeùtique risque eùgalement de nous faire deùvier vers un discours philosophique sur la notion du beau ou de la conception du monde, et de nous limiter aø l'eùlite intellectuelle.
Ainsi, une deùfinition preùliminaire est neùcessaire. De meâme, il conviendrait de mettre en eùvidence le roâle de la poeùsie dans le contexte du propos. Il ne s'agit pas ici d'une eùtude litteùraire ni philologique. Le corpus utiliseù se reùfeøre aux travaux de ces disciplines quant aø l'authenticiteù et aø l'exactitude des textes eùcrits en chinois ou en quoâc ngu. La poeùsie, l'expression litteùraire la plus reùpandue, la plus spontaneùe, et la plus authentique - meâme si les termes utiliseùs par les auteurs connus ou anonymes, individuels ou collectifs sont parfois emprunteùs, factices - de l'aâme vietnamienne nous semble eâtre la mieux aø permettre d'appreùhender la queâte de cette aâme d'une libeùration ou plutoât d'une vision de la vie hors de la matieøre. De plus la richesse tonale de la langue vietnamienne, les reøgles de la prosodie permettant oppositions et paralleùlismes ont favoriseù un discours animeù compreùhensible traitant des questions abstraites avec une grande eùconomie de mots.
La foi au Vietnam n'a jamais reveâtu un aspect dogmatique. La sinceùriteù (long thanh) qui peut eùmouvoir les puissances invisibles suffit aø sanctifier un acte religieux. En occident le mot " spiritualitas " deùsigne avant le XIXeø sieøcle simplement ce qui est indeùpendant de la matieøre. " En fait, la spiritualiteù est un concept moderne, utiliseù seulement depuis le XIXeø sieøcle. Chez la plupart des auteurs, il exprime la dimension religieuse de la vie inteùrieure et implique une science de l'asceøse, qui conduit par la mystique aø l'instauration des relations personnelles avec Dieu. Lorsque cette expeùrience, apreøs avoir reçu une formulation systeùmatique, passe d'un maître aø ses disciples par le moyen d'un enseignement ou de textes eùcrits, on parle de courants spirituels ou d'eùcole de spiritualiteù.... "( 1 ) (Vauchez, 7).
Dans la suite de notre reùflexion nous retiendrons surtout les deux notions, celle de l'immateùrialiteù et celle du sacreù sous-tendue ou non par les systeømes religieux, et nous tenterons autant que peut se faire de nous situer dans une deùmarche comparative avec le monde occidental.
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La spiritualiteù vietnamienne dans son long processus historique a certes subi des influences venues d'ailleurs. Mais il est possible neùanmoins de l'appreùhender dans ses traits intemporels.
Les Vietnamiens dans son ensemble demeurent treøs attacheùs aø l'ideùe qu'il existe un ailleurs au delaø du monde visible. Cet ailleurs, perçu comme un monde peupleù d'eâtres chers disparus mais aussi de diviniteùs exige des langages et des rituels particuliers pour communiquer. De ce fait la religiositeù ambiante est constamment dense, explicite ou implicite. Mais cette religiositeù diffuse( 2 ) populaire a-t-elle entraineù une sacraliteù du quotidien et s'est-elle raccordeùe aø des systeømes de penseùe religieux que le Vietnam a accueilli sur son sol ? Aussi pour tenter d'y apporter une reùponse, chercherons-nous aø analyser ce qui peut contribuer de façon permanente et essentielle aø la constitution de cette spiritualiteù.
L'immersion dans la nature en est le premier trait. Par ses activiteùs agricoles qui demeurent toujours les plus importantes sinon par le produit national du moins par le nombre des actifs (environ 70%), les Vietnamiens restent treøs proches du milieu naturel. Les forces de la nature, les aleùas du temps traditionnellement consideùreùs comme un avertissement contre les dysharmonies humaines, contre le risque de perte du mandat ceùleste par le deùtenteur du pouvoir supreâme que fut le monarque, ont eùteù doteùs de pouvoir surnaturel. La place de l'homme, intermeùdiaire entre le ciel et la terre (tam tai) dans l'univers renforce encore cette reùfeùrence aø la nature. Et plus loin encore, dans la meùmoire collective le culte de la nature se maintient sous la forme de culte des Meøres (Maâu) preùsidant au destin de tout ce qui se trouve sous la protection de l'espace deùvolu aø chacune. La croyance en leur efficaciteù avait-elle conduit aø un risque de paganisme ? La reùponse aø cette question deùlicate ne peut se faire qu'aø travers une reùflexion sur la nature de ce que le monde chreùtien deùsigne par Dieu chez les Vietnamiens.
La litteùrature vietnamienne abonde en reùfeùrence aø un Dieu creùateur, celui qui " creùe et qui impulse les mutations " (Tao Hoa)(3). Ce Dieu se deùfinit-il comme un geùnie supeùrieur ou comme essence unique ? Quelle comparaison possible avec le Dieu du monde judeùo-chreùtien ? Cette deùmarche ne sera pas aiseùe dans le monde spirituel vietnamien ouø bouddhisme, taoïsme et confucianisme sont intimement veùcus depuis longtemps(4). Toutefois meâme reùduite en une approche treøs approximative elle permettra neùanmoins de souligner la nature universelle de la spiritualiteù vietnamienne. En effet si nous prenons comme deùpart de reùflexion ce poeøme attribueù aø Greùgoire de Naziane (5) pour caracteùriser le Dieu du monde chreùtien :
il est possible de trouver des similitudes dans le taoïsme qui deùsigne le Tao comme l'eâtre supreâme " qui n'a que lui-meâme comme modeøle " (6). Il est " sans cause ", le " rien de tout " et le " tout de rien ", il est " cela meâme ", une deùfinition que tout bouddhiste assimile facilement car correspondant aø la notion du tathataâ (nhu lai) terme sanscrit signifiant " ainsiteù : chon nhu ", et deùsignant des bouddhas immuables au delaø de toute deùfinition, de tout changement." O toi, l'au-delaø de tout,
n'est-ce pas laø tout
ce qu'on peut chanter de toi ?
Quelle hymne te dira, quel langage ?
Aucun mot ne t'exprime.
A quoi l'esprit s'attachera-t-il ?
Tu deùpasse toute l'intelligence,
Seul tu es indicible ,
Car tout ce qui se dit est sorti de toi.
Seul, tu es inconnaissable,
Car tout ce qui se pense est sorti de toi.
(Prieøre du temps preùsent, dans RAGUIN op. cit., 6)De cet eâtre inaccessible coule la vie, mais aussi l'intelligence et l'amour et l'homme a eùteù creùe aø son image, comme l'affirment nombre de textes sacreùs du monde chreùtien. Mais il convient de noter la diffeùrence fondamentale entre les perceptions vietnamiennes et occidentales de " Celui qui est " :
"Confucius dit que le Ciel ne parle pas. Bouddha ne veut pas parler de Dieu. Dans le Taoïsme, le Tao, la reùaliteù absolue, ne peut pas eâtre nommeùe. Dans tous ces cas, cet EÂtre ne reùveøle pas son identiteù. C'est pourquoi il est dit " impersonnel ", c'est un " il ". Mais quand Moïse demande aø Dieu qui il est, il reùpond " Je suis ", c'est un " je ". Ainsi peut s'eùtablir la distinction entre un absolu personnel et un absolu impersonnel. " (RAGUIN, op. cit. 18).
Cette diffeùrence est, nous semble-t-il, perceptible surtout aø travers des eùcrits de reùflexion ou des discours abstraits. Car l'inteùriorisation de l'Absolu par quelque nom que l'on le deùnomme peut se faire par des voies diffeùrentes et la fusion deùpasse alors toute distinction.
Dans le monde spirituel vietnamien la perception de l'absolu, la reùveùlation de la bouddheùïteù est faite dans la plupart des cas, aø partir de l'expeùrience humaine, d'un deùsir fondamental de deùpasser cette expeùrience pour atteindre l'eùveil. Cette dynamique de la perfection, du progreøs par l'effort, est insuffleù par le culte des ancestres, car il faut faire comme ou mieux que les aîneùs. Mais si elle n'aboutit pas toujours aø une haute spiritualiteù, elle en est une des possibles voies pour y parvenir. La question de la creùation, de l'origine de l'univers est fournie par les enseignements du taoïsme et dans un degreù moindre par le neùo-confucianisme. Ainsi le chemin parcouru pour atteindre cet eùveil, pour " atteindre cette autre rive : dao bi ngan " peut emprunter des voies facilement intimistes, et le mysticisme est souvent aø fleur de texte ou de pratique sans qu'il y ait besoin de reùfeùrence autre que cette expeùrience humaine.
Le mysticisme vietnamien est-il perceptible aø travers les poeùsies de la litteùrature traditionnelle ?
Si l'on deùfinit le mysticisme comme une queâte de l'Ultime, comme un deùsir d'inteùgrer la dimension ultime du reùel, la " transcendance " aø l'expeùrience humaine par des meùthodes d'asceùtisme, par un mode de vie qui exige du mystique un engagement total (7), l'histoire du Vietnam en fournit des exemples de mystiques ceùleøbres tels ces moines dont les momies de certains sont deùcouvertes dans les pagodes du nord du pays (notamment aø la pagode de Chuøa Daâu, et peut-eâtre aø Chuøa Thaây....). Mais l'ensemble de la population qui ne repreùsentait pas la minoriteù intellectuelle ou fortuneùe et probablement peu enclin aø l'abstraction, comment pratiquait-il ce parcours ? Peut-on percevoir une spiritualiteù et un mysticisme populaires et sous quelle forme ? Suivre l'exemple de Bouddha, ce grand mystique, reùciter avec une grande ferveur les soutras ou les noms des bouddhas en accordant aø l'acte une vertu au dessus de tout raisonnement logique, eùcrire des poeømes qui sont comme des prieøres sont des faits facilement constateùs. Mais au delaø de ces actes de foi, les Vietnamiens d'autrefois ont laisseù une leçon de ferveur spirituelle de tous les jours dans le sens religieux comme dans un sens plus large que nous allons essayer de retracer aø travers l'histoire du pays.
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Dans les premiers sieøcles de la reconstruction nationale (X-XVeø s.) la spiritualiteù vietnamienne dans ses expressions poeùtiques fut reùveùleùe par les moines et les princes.
Le peuple apparut aø travers les interpellations des maîtres faites aux croyants, aux disciples. Elle se situe d'abord aø un niveau treøs eùpureù. Mais treøs vite freùmissaient la vie comme une caresse du vent, une murmure des feuilles...
On peut suivre la vie religieuse vietnamienne de cette peùriode graâce aux oeuvres rendues accessibles au grand nombre par leur publication en quoâc ngu notamment le " Thieân uyeân taâp anh " (Anthologie du jardin des meùditations)(8).
Le bouddhisme s'eùtait deùveloppeù en terre vietnamienne bien avant cette peùriode. Des travaux ont montreù la vitaliteù de la vie religieuse aø Luy Laâu sous l'administration chinoise(9). Cependant on peut raisonnablement penser que le bouddhisme ne se cantonnait pas aux spheøres animeùes par des moines ou des eùtrangers puisque le successeur de Ly Boân (Ly Nam Deâ : 544-548) se preùnomma Phaât Tu, Ly le disciple de Bouddha. Ce fut eùgalement en milieu bouddhique que fut eùleveù le fondateur de la grande dynastie des Ly, Ly Coâng Uaân devenu avec les conseils et l'appui des moines, notamment Van Hanh (939-1013), le roi LY Thai Toâ (1010-1028). Les pagodes furent des lieux de vie intellectuelle animeùe et des centres fondateurs d'eùcoles religieuses (toâ dinh). La premieøre fut fondeùe par Vinitarucci, un Indien entreù en terre viet en 580 apreøs avoir voyageù en Inde et en Chine, et mort en 594 aø la pagode Phap Vaân (Dieân Ung ou Chua Daâu en noâm) dans le Ha Bac. Cette pagode dont la construction remontait aux II-IIIeø sieøcle, fut consideùreùe comme le centre d'origine de l'eùcole de Vinitarucci (10). La leùgende inscrite dans le livre de jade sur l'histoire de Man Nuong honoreùe dans la pagode montre combien sont intimement lieùs croyances locales et bouddhisme dans l'univers sacreù vietnamien (11).
On peut cependant suivre l'eùvolution de cette spiritualiteù qui s'eùtait sensiblement modifieùe dans les rapports que les auteurs entretenaient avec la doctrine et avec la sceøne de la vie.
Du XI au milieu du XIIeø sieøcle, l'eùcole dhyaniste fondeùe par VINITARUCCI (Thieân phai Nam phuong : 580-1216), celle fondeùe par VO NGOÂN THOÂNG, appeleùe aussi l'Ecole de la contemplation du mur (Thieân phai Bich quan : 826-1221) en 826 aø la pagode Kieân So (12) et celle de THAO DUONG : 1096-1205 fondeùe par le moine du meâme nom aø la pagode Khai Quoâc (13), situeùe aø Hanoâi meâme furent des centres de deùbats religieux. Mais la participation active des religieux, moines ou croyants laïcs, aø la vie politique du pays, aø la deùfense du territoire nationale et de la liberteù collective ont modifieù peu aø peu leur discours, ainsi que le roâle et le rang du bouddhisme dans la vie nationale.
Si Doâ Phap Thuaân (915-990), nommeù Moine supeùrieur (Phap su) par Leâ Dai Hanh, se contenta de conseiller au roi le non-agir (asamkhirta : extinction des deùsirs) (14) comme moyen efficace pour maintenir la paix au royaume du sud [du Ciel], Van Hanh eùleva les propos vers des reùflexions beaucoup plus abstraites, traitant la philosophie de la voie moyenne, non duelle de Nagarjuna (15).
Deùjaø en 1013 dans son gaâtha-testament, Van Hanh a utiliseù des images de la nature pour traiter de façon poeùtique l'aspect eùpheùmeøre et transitoire du corps charnel, la permanence aø saisir dans le changement. L'eùmotion est laisseùe en diffeùreùe et on peut consideùrer que meùditer sur chaque mot, en faire jaillir la porteùe philosophique est un acte religieux mais aussi un acte de savoir, et un acte de contemplation artistique. La nature y est traiteù de façon symbolique mais aussi de façon eùmotionnelle. On peut, certes, invoquer l'influence du Taoïsme de Trang Tu ou celle du Yi King. Mais la prosodie assez seøche proche des stances aø psalmodier qu'aø deùclamer utiliseùe par les moines exige un traitement inspireùe de l'image qui doit pouvoir amplifier le propos par sa simple eùvocation. Le lyrisme naturaliste des romantiques occidentaux aux XIXeø sieøcle ou vietnamiens au XXeø sieøcle est aø peine perceptible ici. La nature est sacreùe, meâme dans l'infiniment humble ou petit :
Le registre reùpeùtitif des enseignement traiteùs : de l'existence et la non-existence, de l'eùternel et l'impermanence, de la vie et la mort (sans presque jamais les deùsigner), du retour au sein de l'eùternel, de la fusion mystique avec ce que les bouddhistes deùsignent par l'eùveil qui permet de casser le carcan de la chaîne des renaissances a eùteù dit avec une eùconomie extreâme des mots (huu voâ ; sac khoâng ; taâm thaân ; hieân tuong ban theâ...) qui se reùpeøtent d'un vers aø l'autre, d'un poeøme aø l'autre. Cela n'est pas sans eùvoquer l'asceùtisme des modes vie deùcrites comme treøs frugales meâme si les auteurs furent des personnages situeùs parfois au plus haut sommet de l'eùchelle sociale.Thaân nhu dieân anh, huu hoan voâThi deâ tu
(Nous [les eâtres vivants] sommes eùpheùmeøres tel l'eùclair)
Van moâc xuaân vinh, thu huu khoâ
([Comme les arbres], au printemps dix milles s'eùpanouissent, l'automne venu, tous se desseøchent)
Nhieâm vaân thinh suy voâ boâ uy
(N'eùprouvez aucune crainte, laisser la vie disposer des moments de prospeùriteù ou de deùclin)
Thinh suy nhu loâ thao daâu phoâ
(Car ses instants sont aussi brefs, aussi fragiles comme la goutte de roseùe sur la pointe d'une feuille d'herbe)
NGUYEÂN Van Hanh ( ?-1018) : Aux disciples (Tho Van Ly Traân, op. cit. I, pp. 214-218)De Vieân Chieâu (Mai Truc : 998-1090), neveu de la reine Linh cam qui aborda le probleøme de la mateùrialiteù eùpheùmeøre par une image percutante d'un mur eùcrouleùe aø Man Giac (Ly Truong : 1053-1097) qui utilisa la fleur d'abricotier pour symboliser la permanence, les approches resteørent cantonneùes au domaine du sensible.
Avec Ngoâ AÂn (Dam Khi : 1020-1088) le discours s'eùleva dans les consideùrations sur la nature meâme du " divin " et de " l'humain ", de bouddha et des hommes, de l'uniciteù du monde sans distinction entre matieøre et esprit, entre le pheùnomeùnal et l'immuable. Le soutra du Lotus servait ici de reùfeùrence (.... Lieân phat lo trung thaâp vi can : la fleur de lotus qui s'ouvre dans le feu reste impreùgneùe d'humiditeù, Thi tich : recommandations aø l'heure de ma mort).
L'utilisation des images-symboles contrasteùes ouø les contraires ne se deùtruisent pas mais se compleøtent donnent aø ces vers d'une concision frisant la pauvreteù, l'aura d'une spiritualiteù se tendant sans cesse vers la fusion avec l'Unique. Une impression de pleùnitude et de libeùration s'en deùgage. De meâme furent abordeùs le questionnement sur la creùation et les tentatives d'explication eùcartant l'intervention d'un Creùateur par Dao Hueâ (AÂu Dao Hueâ : ?-1173) et ses condisciples ou disciples.
La force des termes inspireùs aø la fois du soutra du Lotus et de celui du Diamant confeøre aux propos une dimension cosmique et une affirmation de liberteù eùpique ouø le moi se dilue sans se perdre dans le murmure des feuilles dans le reflet de la lune ouø la diversiteù du monde pheùnomeùnal ne nie pas l'uniciteù de l'univers :
Nhaât nguyeât leâ thieân ham uc sat (Le soleil et la lune ensemble emplissent cent mille mondes)A partir de la deuxieøme moitieù du XIIeø sieøcle, un tournant semble se dessiner. Le Tam giao s'affirma (concours officiel en 1097, 1195) et des reùflexions sur les similitudes entre le non-agir taoïste (voâ vi) et sur la non-neùgation (baât voâ) (16) des disciples de Dao Hueâ s'engageørent. Le pragmatisme quotidien prenait de plus en plus place dans les reùflexions. La spiritualiteù changea progressivement de nature du moins dans ses expressions poeùtiques.
Thuy tri vaân vu lac son ha (Qui pense que pluie et brouillard arrosant fleuves et montagnes [sont de meâme nature]) ?
(Tinh Khoâng : 1091-1170 en reùponse aø une question sur la nature de Bouddha)Les moines s'engageørent dans la voie de l'action salvatrice mateùrielle et pieuse, s'eùlevant inteùrieurement en eùxeùcutant les taâches ordinaires de premieøre utiliteù, respectant les pauvres, les deùmunis car chacun porte en soi la part de noblesse de pureteù de sacreù indeùpendamment de son apparence (17). L'eâtre individuel commença alors sa lente eùmergence par le respect de l'autre dans son quotidien ordinaire. Par ailleurs la fascination pour les faits et gestes extraordinaires s'accentua avec l'Ecole Thao Duong (1069-1210). La don d'ubiquiteù des bouddhas qui leur permet de venir au secours de tous en tout lieu fut perçue presque sur le meâme plan que la thaumaturgie "ordinaire" (thaân thoâng bieân hoa). La biographie de Duong Khoâng Loâ (?-1119) qui figure dans le Recueil des eâtres extraordinaires du Linh Nam (18) ou celle de Nguyeân Giac Hai (?- ?) ou de leur contemporain Tu Loâ (Tu Dao Hanh : ?-1117) que l'histoire religieuse consideøre cependant comme repreùsentant de la douzieøme geùneùration de l'Ecole de Vinitarucci relate des prouesses extraordinaires que l'on a plutoât l'habitude de lire dans celles des religieux taoïstes. Les qualiteùs de gueùrisseur leur furent eùgalement attribueùes (comme la gueùrison de Ly Nhaân Toâng : 1072-1128 atteint d'une maladie eùtrange qui fit recouvrir son corps d'une eùpaisse pilositeù. Cette gueùrison miraculeuse fut l'œuvre de Giac Hai et du moine taoïste Thoâng Huyeân). Le bouddhisme tantrique avec la pratique des paroles et formules sacreùes mysteùrieuses doteùes de pouvoir surnaturel se deùveloppa.
On peut oublier son enveloppe corporelle et le monde pheùnomeùnal par une pratique de concentration qui permettait de mobiliser les forces surnaturelles. Mais cela peut-il faire penser aø une manifestation de spiritualiteù globale ? Ou tout simplement le risque de deùviance vers la sorcellerie, vers des pratiques d'un taoïsme de la recherche de l'immortaliteù consciente qui n'a rien aø voir avec une deùmarche spirituelle.
Justement cette eùcole treøs lieùe sinon aux initiatives du moins au soutien des rois Ly thanh Toâng (1023-1072), Ly Nhaân Toâng (1072-1127) et de la reine Y Lan ( ?-1117), meøre de ce dernier, ne fut traiteùe que treøs sommairement dans le TUTA (Anthologie du Jardin des meùditations), simple eùnumeùration des noms sans reproduction d'oeuvres ou de biographies.
La fondation de l'Ecole Truc Laâm(19) aø l'initiative de Traân Nhaân Toâng aø la fin du XIIIeø s. marqua le changement de sensibiliteù et d'attitude face aø la religion et aø l'engagement dans le vie. Les rois TRÄN pouvaient mesurer la relativiteù des discours face aux neùcessiteùs et les poeømes furent empreints de sensibiliteùs. Le site de Truc Laâm Yeân tu restera d'ailleurs un site permanent de retraites et de culte pour les Vietnamiens.
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Avec l'affirmation de la place du neùo-confucianisme dans la vie culturelle du pays, notamment dans son aspect lieù aø l'organisation de l'appareil du gouvernement par le biais des concours et par le deùpoât du mandat ceùleste dans les mains du roi, la vision d'un Creùateur perceptible prenait forme et le ton des poeømes prenait de plus en plus l'allure d'un discours peùdagogique.
Ainsi Traân Thai Toâng (1225-1277) dans son œuvre majeure le " Khoa hu luc " (Exercice du Vide) eùcrit ce vers lourd de sens : Chaân teâ huaân dao, van tuong thanh (le Vrai Seigneur modeøle et dix mille formes sont) ouø le terme " huaân dao " suggeøre l'action de creùation par le modelage [de glaise] et cuisson [par le souffle du feu du four]. Les mots " chaân teâ " emprunteùs au vocabulaire du taoïsme de Trang Tu trouve son eùquivalence dans le " Thuong deâ " (le Seigneur d'en haut) du Thu kinh et le Ciel (oâng Troi) que le peuple invoque comme le sauveur ou le juge supreâme. Avec Traân Thai Toâng l'harmonisation entre les trois systeømes de penseùe trouve son expression. Et si le bouddhisme reste la reùfeùrence de son discours meùtaphysique, le confusiamisme de Chu Hy et le taoïsme de Trang Tu influencent de plus les reùflexions et les reøgles de vie d'une façon geùneùrale.
Les oeuvres de Tueâ Trung Thuong Si (Traân Tung : 1230-1291) sont pleines d'une volonteù de rester dans la vie tout en pratiquant le bouddhisme avec ferveur. Il annonça aussi un autre tournant des relations entre la vie et la religion. Ayant participeù aux guerres contre les Mongols (1257-58 ; 1285 ; 1287-1288), ayant exerceù des responsabiliteùs dans le gouvernement, il ne pouvait concevoir une attitude deùtacheùe et irresponsable des choses de ce monde tout comme les rois Traân Thai Toâng, Traân Thanh Toâng et Traân Nhaân Toâng. L'ideùe d'une voie inteùrieure pour atteindre le Vrai (chaân), dans le plus profond de l'esprit, et du cœur (taâm) qui pouvait mener aø l'ultime connaissance que chacun porte en soi tout en continuant la tradition inspireùe par le soutra du Lotus innove la perception d'une spiritualiteù aø la fois inteùrioriseùe en chacun et diffuse dans la nature. Les poeømes chantant la nature (Vinh canh) prennent parfois les allures de veùritables chants dotant les sites de vie et de souffle cacheù d'ouø peut se reùveùler la veùriteù premieøre (ban lai dieân muc) ou des traiteùs par images des ideùes meùtaphysiques abstraites. La nature deùtentrice de la beauteù, refuge de ceux qui souhaitent se preùserver des poussieøres de ce monde, reùveùlatrice de l'eùpheùmeøre pheùnomeùnal et de la condition humaine rallie les eùlites feùrues de Tam giao mais aussi le peuple qui a toujours un comportement de respect pour le cadre de leur vie.
L'engagement dans la vie, les neùcessiteùs de conqueùrir et de deùfendre leur vie, leur liberteù ont inspireù les auteurs du XIIIeø sieøcle. La religion toujours preùsente dans les theømes traiteùs a conduit aø la formulation d'une voie " moyenne " ouø le " juste milieu " confucianiste peut se confondre avec la conception non-duelle (baât nhi)(20) bouddhiste mise en application par Tueâ Trung. Par la suite beaucoup de lettreùs ont suivi l'enseignement et le peuple aø sa manieøre l'a adopteù.
Mais les auteurs de l'eùpoque des Traân (1225-1400) ont surtout reùussi aø exprimer la pleùnitude de leur foi qui peut s'exprimer sans l'artifice de la parole (21). La perception immeùdiate qui eùvoque l'illumination subite (doân ngoâ) permet une communion entre la nature proche et l'homme et par extension entre l'univers et l'homme. La reùveùlation se fait par eùvocation, provocation (tuc canh sinh tinh), la pureteù s'assimile au non-agir, aø la beauteù, au silence et aø l'extinction. Traân Nhaân Toâng (1258-1308), Ly Dao Tai (Huyeân Quang : 1254-1334) (22), TRAÂN Quang Trieâu (1286-1325) parmi d'autres, ont laisseù de magnifiques poeømes empreint d'un sentiment de pleùnitude et d'alleùgresse tel celui du Xeø tableau (thoâng tay vao cho : entreùe sans souci au marcheù) de l'ensemble des dix tableaux repreùsentant le domptage du buffle (Thaâp nguu doâ) utiliseùs dans l'enseignement du Thieân. Ecoutons aø preùsent Traân Nhaân Toâng :
Xuaân canh (Paysage de printemps)Duong lieâu hoa thaâm dieâu ngu tri
(Dans l'eùpais buisson de saules fleurissant, chantent lentement les oiseaux)
Hoa duong thieâm anh moâ vaân phi
(Sur la terrasse, se dessine l'ombre de la maison, [dans le ciel aperçu de la terrasse] voguent les nuages du soir)
Khach lai baât vaân nhaân gian su
(Ceux qui [me] rendent une visite amicale ne [me] questionnent pas sur les choses de ce monde
Coâng y lan can khan thuy vi
(Nous nous sommes simplement accoudeùs au balcon portant nos regards sur les vapeurs bleuteùes coiffant les montagnes [au loin]* NGUYEÂN Trai (1380-1442) exprima encore cette spiritualiteù naturaliste dans un certain nombre de poeømes comme celui sur la pagode de Tieân Du ("....Ca trung chaân huu y... " : dans ce paysage, il y a reùellement de la penseùe). Mais le confucianiste accompli, compagnon de Leâ Loi qu'il fut, eùprouva constamment un sentiment du devoir de servir. La morale sociale qui se confonda dans son comportement avec l'eùthique individuelle, l'emporta trop souvent dans ses reùflexions.
Avec NGUYEÂN Binh Khieâm (1491-1585), l'angoisse du choix fut releùgueùe par le sentiment d'une liberteù de choix car les propensions des choses l'y autoriseørent. Le non-agir ici se confonda avec l'harmonie. La spiritualiteù ne s'exprima plus en actes speùcifiques mais se deùgagea des attitudes, leùgeøres parce que non entraveùes, pures parce que non inteùresseùes, libres parce non deùpendantes des richesses de ce monde. Le corps n'embarrassa plus parce qu'il se contenta d'eâtre immergeù dans la nature qui fournit ce qu'il faut pour l'entretenir selon les saisons. La deùmateùrialisation se fesait par l'oubli des pesanteurs.
Ngoai vong cuong toa chaân cao thaâp (En dehors des entraves [je] pose ineùgalement mes pasCette attitude que le mot " nhan " (23) ne saurait exprimer se retrouve chez LEÂ Huu Trac (Hai Thuong Lan OÂng : 1720-1791) qui parla de sa vrai nature (chaân) s'eùpanouissant dans un cadre de vie loin des tourbillons de la ville et dans la pauvreteù. On la constate aussi chez NGUYEÂN Coâng Tru (1778-1858) qui goutta au loisir apreøs avoir accompli son devoir d'honneur " no coâng danh " consideùreù comme un devoir d'homme donnant aø la vie une digniteù, chez CAO Ba Quat (1809-1854) qui y fut contraint parce que refusant les entraves du systeøme existant ainsi que chez beaucoup d'autres poeøtes. Mais l'on sent le souffle de la grandeur ou du spirituel chez NGUYEÂN Trai parce que l'homme fut impreùgneù de sinceøre sagesse bouddhiste ou chez NGUYEÂN Binh Khieâm et NGUYEÂN Coâng Tru parce que ces hommes furent en harmonie avec leur choix. Il n'en est pas de meâme chez ceux ouø la contrarieùteù de l'eùchec ou les accents de la reùvolte ont rameneù les propos aø une dimension plus humaine empreinte de pessimisme ou de reùsignation. Certains vers de NGUYEN Coâng Tru :
Trong tui yeân ha mat tinh say (Dans le sac de vapeurs et de nuages [qu'est ma retraite] [je] montre un visage eùveilleù et ivre)Kieâp sau nguyeân chang lam nguoi (Dans ma vie future je ferai le serment de ne jamais devenir un homme)deùgagent une impression grandiose ouø l'univers entier est mobiliseù, malgreù l'ambition ou l'orgueil sous-tendus, parce que NGUYEÂN Coâng Tru a troubleù l'univers de sa turbulence, a eùleveù l'homme, presque l'individu, encore exceptionnel aø la place d'honneur. Ici on ne peut gueøre parler de spiritualiteù, mais simplement de la grandeur de l'homme dans l'accomplissement de ce qu'il consideøre comme des devoirs nobles, incontournables pour s'eùlever.
Lam caây thoâng dung giua troi ma reo (Mais un pin chantant au milieu du ciel)
ou :
Thu yeân ba troi daât deâ rieâng ta (La joie de la retraite ouø le ciel et la terre sont aø moi seul reùserveùs)
ou :
" Vong troi daât doc ngang ngang doc (Le ciel et la terre, en long en large, en haut et en bas)
No tang boâng vai tra tra vai " (La dette d'homme qui s'accorde et qui se rend)Cette humaniteù annoblie par ses actes selon une certaine ideùe de l'eùthique confuceùenne, se confronta vite aø des souffrances et eùpreuves.
Le deùsarroi ressenti parfois dans les vers de NGUYEÂN Gia Thieâu (1741-1798) ouø il interpelle le ciel creùateur ou de NGUYEÂN Du (1766-1820) ouø la responsabiliteù individuelle est eùvoqueùe (Co troi maø cung co ta : il y a le ciel mais il y a aussi nous ; Cung dung trach laân troi gaân troi xa : Il n'est pas neùcessaire de reprocher au Ciel [de ce qui nous ou vous arrive], qu'il soit proche ou lointain, Kim Vaân Kieâu) est souvent eùvoqueù pour expliquer l'eùbranlement des fondements du systeøme de penseùe et du systeøme polititique traditionnels. L'eùmergence de l'individu et la prise de conscience de ses besoins ont eùteù deùmontreù dans maintes eùtudes litteùraires reùcentes. On parle de preù-romantisme. Et l'explosion des romans en noâm au XVIIIeø sieøcle confirme le besoin d'exprimer ses convictions, ses doutes ou ses deùsirs. Le chemin vers la spiritualiteù, la recherche du deùpassement de soi, le regard tourneù vers la queâte de la vraie nature qui est aussi sa vraie nature, semble avoir ceùdeù la place aø la queâte du Guide, du Sauveur. Et l'on invoqua Quan AÂm aux mille yeux, mille bras. Est-ce les miseøres de la vie mateùrielle, les menaces pesant sur la vie dues aux troubles incessantes, le manque de confiance dans le deùtenteur du mandat ceùleste qui ont inspireù les vers d'une grande deùsolation, d'une tristesse nolstalgique loin de la sereine certitude de retrouver un jour la " maison du peøre " (24) de NGUYEÂN Gia Thieâu, de ba huyeân Thanh Quan ou de NGUYEÂN Du traitant de la fugaciteù des choses, du temps qui passe ? Le bouddhisme de compassion a rallieù les coeurs. Dans le Van Chieâu Hoân(l'Oraison pour les aâmes errantes) attribueù aø NGUYEÂN Du la compassion pour tous effleure aø chaque vers (25). La vie inteùrieure semble se projeter sur le spectacle des miseøres de ce monde, mais le reùalisme ou les deùnonciations des injustices ou la revendication du droit aø une vie indiduelle reste feutreùe. Meâme le ton humouristique ou satirique de HOÂ Xuaân Huong frappe par sa concision, mais la virulence est tempeùreùe par la prosodie et le choix des mots justes. On ne trouve point non plus de description de vie urbaine sauf quelques rares descriptions de meùtier ou dans le reùcit en prose des " Notes de voyages de Lan oâng " deùcrivant la capitale Thang Long de la fin des TRINH, sans insister sur les aspects ou les probleømes d'une citeù populeuse.
Car la nature demeure le chantre de la beauteù ou du moins le reflet de la vie inteùrieure des heùros. Elle est chargeùe d'eùmotion. Elle se modifie, eùpouse la vision des heùros, tout comme elle inspire des sentiments nobles ou receuille des serments, sanctifie des actes. (nguoi buoân, canh co vui daâu bao gio : quand l'homme est triste, le paysage ne peut eâtre gai, Kim Vaân Kieâu) et prenne en charge les tourments des personnages . Les paysages deùcrits dans le Kim Vaân Kieâu sont des tableaux chargeùs de symboles, un deùcor vivant faisant corps avec la vie de l'heùroïne et d'autres personnages en eùpurant toutefois toute la laideur. C'est de nouveau dans les chants de la nature qu'on trouve les accents lyriques d'une poeùsie vraiment spirituelle qui alla connaître avec un peu de deùcalage dans le temps un grand deùveloppement dans la premieøre moitieù du XXeø s. ouø l'on retrouva les accents des poeøtes symboliques ou romantiques français..* Car le ciel et la terre ne peuvent eâtre laids , meùchants, loin du Vrai, de la Voie. Il faut peut-eâtre chercher dans ce trait fondamental de la culture vietnamienne le chemin de la vie spirituelle de tous les moments. Le site des eùdifices religieux ou de la Citeù impeùriale de Hueâ s'harmonise avec les constructions. Il s'en deùgage une puissante poeùsie qui invite aø la meùditation. Le site de l'ensemble de la pagode des Parfums est un exemple vivace de la fusion entre un cheminement intellectuel et spirituel sous des aspects diffeùrents et une prise de contact reùel avec la nature vivante. Les marques encore perceptibles dans les cultes de l'inteùgration des croyances locales en un bouddhisme de compassion faisant de la princesse Ba, la Quan AÂm des eâtres en queâte du bienfaiteur ou du sauveur, faisant de l'ouverture du pelirinage le plus long du pays (26) l'ouverture des foreâts autorisant le travail ou la chasse en milieu forestier, montrent un chemin spirituel de tous vers une foi universelle. Le grand nombre des peùlerins dont le but pour certains peut parfois eâtre une simple excursion, ou une mode et dont les prieøres sont loins d'eâtre toutes deùsinteùrresseùes deùmontre la ferveur pour l'offrande de l'effort physique comme voyage initiatique. Et le spectacle des grottes nimbeùes de vapeur combinant eùleùments liquides et solides (le yin et le yang, chers aø l'imaginaire collectif), la lumieøre tremblottante traversant les cascades suggeùrant un monde de l'impermence mais aussi de reâve, de poeùsies de paradis accessible provoque les inspirations, favorise le dialogue avec soi ou la vie inteùrieure. Les humbles offrent le travail et les prieøres, les riches l'argent, les poeøtes les vers (dont CHU manh Trinh, NGUYEÂN Binh...) et les puissants leur preùsence (dont les rois LEÂ, le prince TRINH Saâm) . C'est ainsi que plus que tout autre lieu du pays, ce sanctuaire mobilise l'imaginaire, cristallise le sentiment national et porte le nom de " premieøre grotte sous le ciel du sud (Nam thieân deâ nhaât doâng). Ecoutons CHU Manh Trinh (1862-1905) chanter le site de la pagode des Parfums :
Baâu troi canh but (la voute du ciel, le pays de bouddha)Ainsi de la nature refuge, on passe vers une nature façonneùe pour accueillir le Creùateur ou arrangeùe par lui-meâme . Elle est habiteùe par la ferveur religieuse qui n'agresse pas mais " reùveille " en douceur celui qui est plongeù dans un reâve illusoire.
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Tho the rung mai chim cung trai
(En gazouillant dans la foreât d'abricotier, les oisaeux font offrandes de fruits)
Lung lo khe yeân ca nghe kinh
(Les poissons en suspens dans l'eau de la source des hirondelles eùcoutent les soutras)
Thoang beân tai moât tieâng chay kinh
(Un leùger bruit de marteau de cloche est aø peine perceptible aø l'oreille)
Khach tang hai giaât minh trong giaâc moâng
(Les passagers du monde des changements tressautent dans leurs songes)
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Chung giang san con doi ai daây (Peut-eâtre la sceøne est-elle pareùe dans l'attente de quelqu'un)
Hay Tao Hoa kheo ra tay xeâp dat (ou bien c'est le Creùateur qui habilement en a disposeù ainsi)Mais en ce fin du XIXeø s. de confrontation Est-Ouest ouø le contact colonial lui imposa l'impact d'un choc brutal, la recherche de cette " fuite " dans le bouddhisme de compassion, dans la poeùsie naturaliste capable de consoler et de se substituer aø la reùaliteù deùcevante releva d'une attitude plutoât passive. L'engagement dans la lutte pour la reùcupeùration de l'indeùpendance occupa cependant les eùnergies de la plupart.
Il faut attendre une libeùration plus compleøte de l'individu pour voir l'inspiration donner aux vers une spiritualiteù dynamique comme l'expriment avec fougue le " Serment des montagnes et des Eaux " (Theâ non nuoc) de Tan Da NGUYEÂN Khac hieâu (1889-1939).
Compliciteù - que chante avec deùlice la litteùratture populaire - , fusion, la nature fait corps avec l'homme. L'eùchos des mots, le rythme des vers reùsonnent et amplifient le propos. La fin du XIXeø s. fut une peùriode de crise de civilisation et aussi une peùriode de crise de spiritualiteù. Les hommes - du moins l'eùlite - semblent avoir mis de coâteù cette capaciteù d'eùmerveillement simpliste que le peuple continue aø manifester. Les revendications individualistes n'eùtaient pas treøs bien affermeùes, vie urbaine encore mal structureùe. L'identiteù fut plus que maintenant tiralleùe entre tradition et moderniteù.* Mais peut-on en deùduire que l'expression de la vie spirituelle au Vietnam dans son eùcriture poeùtique semble se perdre avec le temps ? D'une intensiteù indeùniable au deùbut de la construction de l'Etat national moderne, elle semble avoir glisseù vers un chant agreste, picareste ou simplement vers le chant misanthropique de la beauteù eùpheùmeøre incarneùe par la nature changeante ?
Il s'agit plutoât d'un glissement dans la nature de l'expression plutoât que de deùsertion.
La vie spirituelle semblait aux sieøcles troubleùs se replier dans des actes rituels. Les poeømes des moines du Centre Vietnam au XVIeø s. reprenaient les meâmes theømes traiteùs dans le passeù.
Par ailleurs, le culte de la nature au fur et aø mesure de l'eùdificarion de l'identiteù nationale s'est confondu avec l'amour de la terre natale. Mais ce patriotisme s'eùleøve bien au delaø de la deùfinition ordinaire du terme. C'est un sentiment quasi-religieux qui s'est cristaliseù lentement autour de la pieùteù, de la gratitude pour les ancestres, pour les heùros, les geùnies pour ceux qui se sont morts pourque vivent ceux qui suivent. Il touche toutes les couches de la population. Mais les chants patriotiques les plus beaux sont incapables de transcrire ce sentiment qui ont pousseù les gens aø s'engager totalement jusqu'au sacrifice de leur vie. Il faut chercher dans la solenniteù des lieux de cultes des heùros parfois honoreùs comme geùnies tuteùlaires pour sentir cet eùlan de gratitude, trancendant ces cultes locaux en actes de pieùteù universelle.
Il faut aussi chercher dans les actes de fois religieuse populaire et non plus dans les poeømes des moines la manifestation d'une certaines recherches de spiritualiteù. Les donations pour la construction ou la reùfection des lieux de culte sont toujours nombreuses. La transformation du logement en pagode treøs freùquent au sud du pays au XIXeø s.(cai gia vi tu) existe toujours, de meâme les offrandes en travail (coâng qua). Cette spiritualiteù ambiante, diffuse se retrouve dans les sentences paralleøles des lieux de culte. La foi populaire qui marque le paysage de nombreux eùdifices, fait de l'espace national un lieu impreùgneù d'esprit, plus vivant que tous les traiteùs sur l'essence sacreù (khi thieân).
La poeùsie est l'expression artistique la plus totale pour le Vietnam. Elle est pratiqueùe par tous avec des reùsultats plus ou moins heureux. Elle est pour chacun la voix intime, la voix confidente de l'aâme. C'est pourquoi, cette voix peut traduire cette queâte de spiritualiteù avec sinceùriteù et eùlan. La porteùe spirituelle des mots fait que leur coâteù preùcieux ou pompeux ne compte parfois pas. Seul l'eùvocation eùmotionnelle par reùfeùrence au contenu culturel et religieux compte. Les poeùsies sont pour beaucoup une prieøre et l'univers une vaste eùglise.CONCLUSION Mais cette "deùvotion" pourra-t-elle trouver encore place dans une socieùteù qui semble s'annoncer deùsormais radicalement diffeùrente avec celle du passeù.
On peut espeùrer que la recherche d'une spiritualiteù ancreùe dans la vie, portant le propos sur le deùpassement de l'apparence, de l'eùpheùmeøre servira d'antidote compensatoire aø la course aø la production mateùrielle. Et le deùpassement de soi est aø la base de l'enseignement religieux traditionnel. Deùpassement et miseùricorde faisant du don un acte essentiel de l'ideùal de perfection en sont les preùceptes que aø des degreùs plus ou moins forts et dans des champs d'application diffeùrents tous les Vietnamiens ont chercheù aø vivre. Ce sont laø des reøgles de conduite utiles pour contrebalancer l'individualistme forceneù qui paraît menacer les socieùteùs eùconomiquement avanceùes modeøles actuels pour tous les pays en queâte d'un niveau de vie meilleur.
L'impernanence des choses tempeùrera-t-elle les notions de progreøs et de bonheur que les statistiques tendent aø quantifer et aø chiffer ?
L'oubli de soi en un sacrifice supreâme (hy sinh) pour la deùfense de son ideùal releøve d'une certaine spiritualiteù au quotidien, soutenu par une certaine ideùe de l'honneur (d'aucun dira la face : theâ dieân) sans quoi la vie serait meùprisable a sous-tendu la conduite de vie des Vietnamiens dans les sieøcles passeùs. Il a reùsurgi aux moments critiques. Il n'y a pas de raison de penser qu'il disparaitra de leur univers comportemental collectif ou individuel .
La permanence de l'eùlan spirituel dans la nature garantit aø tous un souffle de beauteù non monnayable. Les Vietnamiens dans ce domaine ne sont peut-eâtre pas les moins bien pourvus. Ecoutons ces vers de Huy Caân (1919-) poeøte certes du monde contemporain mais aussi du monde eùternel viet :
Traduction par Duong Dinh Khueâ et Nicole Louis dans Aperçcu sur la poeùsie vietnamienne de la deùcade preù-reùvolutionnaire, BFEO, LXV, 1978)Xuaân HanhLuong xuaân troi daât vui chua heât
Soâng Nhi giong hang nuoc chaây ao
Mau doi lai lang hon daât do
Nhip doi voi voi long soâng cao
Nghe doi chuyeân manh lua trang sao
Ta di moât minh treân deâ nho
Ta gop chaân nhanh cung hoân gio
Ta di mau qua taâm chaân nguoi
Ta nhaâp hoân ta trong vu tru
......................................Et aø preùsent eùcoutons Victor Hugo dont les vers, par delaø l'espace et le temps efface les diffeùrences, nous immergeant dans une spiritualiteù intemporelle :L'hymne du printempsDe l'exhubeùrence du printemps, le monde n'a pas fini de jouir
Le Fleuve Rouge, aux flots impeùtueux coule sourdement
Le sang de la vie inonde la terre rouge
Le rythme de l'univers eùleøve le lit du fleuve
J'entends le monde aø grand pas deùplacer les montagnes
Je l'entends puissamment rouler la lune, les eùtoiles
Et je vais seul sur la chausseùe petite
Participant aø la course rapide des quatre vents
Je vais plus vite que la force humaine
Je fais entrer mon aâme dans celle de l'univers
.....................................................................................
Une harmone eùgale aø la clarteù, versant
Une extase divine au globe adolescent
Semblait sortir du cœur mysteùrieux du monde ;
L'herbe en eùtait eùmue, et le nuage et l'onde,
Et meâme le rocher, qui songe et qui se tait ;
L'arbre, tout peùneùtreù de lumieøre, chantait
Chaque fleur, eùchangeant son souffle et sa penseùe
Avec le ciel serein d'ouø tombe la roseùe
Recevait une perle et donnait un parfum
L'Etre resplendissait. Un dans Tout, Tout dans Un
Le paradis brillait sous les sombres ramures
De la vie ivre d'ombre et pleine de murmures
Et la lumieøre eùtait pleine de veùriteù
Et tout avait la graâce, ayant la pureteù
Tout eùtait flamme, hymen, bonheur, douceur, cleùmence
Tous ces immenses jours avaient une aube immense." Le sacre de la femme ", extrait, La Leùgende des SieøclesThanh Taâm LANGLET (Quach Thanh Taâm)
Mai 1998
Texte pour le colloque sur les Etudes Vietnamiennes,
( Hanoâi 14-17 juillet 1998)
(1) Andreù VAUCHEZ, La spiritualiteù du Moyen Age occidental VIII-XIIIeø sieøcle, Seuil, Paris 1994
(2) d'apreøs la revue bouddhique " Giac Ngoâ " (Eveil), environ 80% des Vietnamiens se disent appartenir aø une des six religions pratiqueùes dans le pays : bouddhisme, catholicisme, protestantisme, caodaïsme, et Hoa Hao (Giac Ngoâ, HCM-ville, numeùro 10, nouvelle seùrie, juin 1996, p. 23)
(3) Notamment dans le long poeøme en noâm de Nguyeân Gia Thieu " Cung oan ngaâm khuc " (Complainte du Gyneùceùe), composeù au XVIIIeø sieøcle ; dans le Kim Vaân Kieâu et d'autres poeømes de Nguyeân Du (1765-1820) pour ne citer que ces quelques exemples d'oeuvres en litteùrature noâm ;.... Nous en parlerons aø propos du livre de Traân Thai Toâng (1218-1277), " Khoa Hu Luc " (Exercice du Vide) ouø l'auteur ouvrit ses propos par un vers significatif : " Chaân teâ huaân dao, van tuong thanh " qui donne approximativement " le vrai seigneur modeøle et dix mille formes sont"
(4) Les reùfeùrences historiques de la confirmation officielle de l'existence d'une fusion originelle des trois religions (Tam giao doâng nguyeân) remontent aø l'eùpoque des Wu en Chine (229-280) ; et au Vietnam il eùtait question de concours des disciples des trois religions (" con em tam giao ") en 1196 ( cf. Vieât su luoc, tr. Traân Quoâc Vuong 1960 ; Dai Vieât su ky toan thu, tr. Vieân su hoc ; Cuong Muc, CB, tr. Hanoâi)
(5) Citeù par Yves RAGUIN, s. j. dans Alpha et Omeùga, Vie Chreùtienne, Paris 1986, p. 6
(6) " l'homme tire sa norme de la terre, la terre tire sa norme du ciel, le ciel tire la sienne du Tao et le Tao la tire de lui-meâme " Tao-te-king, chap. 25
(7) Carl-A. KELLER : Approche de la mystique dans les religions occidentales et orientales, La Bibliotheøque spirituelle, Albin Michel, Paris, 1996
(8) Eglise bouddhique vietnamienne (Giao hoâi Phaât giao VN) : Thieân Uyeân taâp anh , tr. et annotations NGOÂ Duc Tho-NGUYEÂN Thuy Nga, Ed. Litteùraires, Hanoâi,1990 ; Institut d'Etudes litteùraires : Tho van Ly-Traân, vol. I et II, eùd. Sciences sociales, Hanoâi 1977 et 1988 ; Ngoâ Taât Toâ : Van hoc doi Ly, Van hoc doi Traân, 1942 ainsi que de nombreuses eùtudes litteùraires parues reùcemment au Vietnam. Il faudra une bibliographie compleøte des oeuvres et des eùtudes litteùraires que le cadre de cet exposeù ne permet pas.
(9) NGUYEÂN Lang : Vieât Nam Phaât giao su luaân , Ed. Litteùraires, Hanoâi, 3eø eùd. 1992, vol. 1
(10) TRAÂN Van Giap : Le bouddhisme en Annam, BEFEO, XXXII, 1932, trad. Tueâ Sy, Universiteù Van hanh, Saigon, 1968
(11) Institut des textes anciens : Di tich lich su van hoa Vietnam (Vestiges historiques et culturels du Vietnam), Hanoâi, 1991, pp. 517-520
(12) VO NGOÂN THOÂNG (?-826), un homme originaire du Guangzhou, fut disciple de Bach Truong, et condisciple de Qui Son et Nguong son tous fondateurs d'Ecoles chan en Chine du sud. Il arriva au nord Vietnam en 820 et reùsida aø la pagode Kieân So (act. Phu Doâng, Gia Laâm, Hanoâi). Elle fut construite peu avant l'an 820 par un homme du nom de NGUYEÂN (LY) qui l'offrit aø LAÂP DUC pour y pratiquer le culte de Bouddha. LAÂP DUC devenu disciple de VO NGOÂN THOÂNG, ayant atteint la compreùhension de l'enseignement reçut de son maître le nom de CAM THANH : Compreùhension accomplie (?-860) et reprit le flambeau aø la mort de ce dernier
(13) Le moine THAO DUONG, un Chinois d'origine, disciple de Tuyeât Daâu dont un des eùcrits eùtait treøs eùtudieù dans le Vieâtnam d'alors : le Tuyeât Daâu ngu luc. Il a seùjourneù au Champa avec son maître et fut fait prisonnier par les troupes viet lors de la campagne de 1069. Il fut au service du moine supeùrieur aø la Cour de Ly Thanh Toâng (1054-1072) qui l'eùleva au rang de Grand Moine Supeùrieur (Quoâc su) apreøs avoir eu connaissance de ses capaciteùs de compreùhension de la doctrine bouddhique
(14) Voici le poeøme qu'il a laisseù comme reùponse aø Leâ Dai Hanh, le questionnant sur la paix du Royaume : Quoâc toâ nhu dang lac, Nam thieân ly thai binh, Voâ vi cu dieân cac, xu xu tuc dao binh. A propos du mot " voâ vi " certains auteurs dont Ngoâ Taât Toâ se reùfeørent aux enseignements du Tao, mais l'imbrication des termes entre les diffeùrents enseignements du Tam Giao rend treøs difficile une explication trancheùe
(15) Nagarjuna : Long tho boâ tat), un religieux originaire de l'Inde du Sud vivant et oeuvrant pour la propagation de la religion aø la fin du IIeø et au deùbut du IIIeø sieøcle, connaissant les philosophies de l'Inde. Il pratiqua d'abord le bouddhisme theùravada, puis le bouddhisme mahayana. Il eùlabora entre autre la theùorie de la voie moyenne (madhyamika : trung quan luaân) qu'on peut appreùhender aø partir de la formule lapidaire : Chon khoâng ma dieâu huu : tout est rien et rien est tout et sa doctrine peut se reùsumer par les huit neùgations : baât sanh baât dieât ; baât nhaât baât di ; baât thuong baât doan ; baât khu baât lai )
(16) Cette theùorie eùlaboreùe par Dao Hueâ et ses disciples consideøre que l'homme meâme s'il est fait d'agreùgats peut s'insinuer dans une position moyenne entre la matieøre et le pur esprit et tente d'affirmer l'autonomie de l'eâtre individuel fait de sensibiliteù et de logique. Avec cette tentative, on assiste aux premiers freùmissements de l'affirmation d'un moi individuel libre de fusionner avec le Neùant mais gardant toujours son individualiteù.
(17) Ce fut par exemple, l'attitude de Tri Bao ( ?-1190), qui bien que proche des personnaliteùs de la Cour, se comporta comme un homme treøs pauvre et treøs deùmuni, saluant les pauvres et les religieux avec une grande deùfeùrence
(18) Traân Theâ Phap : Linh Nam trich quai (Recueil des eâtres extraordinaires du Linh Nam), probablement composeù avant 1428, trad. LË Huu Muc, Saigon, 1961
(19) D'apreøs le Truc Laâm tueâ trung Thuong si ngu luc citeù dans Lich su Phaât giao Vietnam, Vien Triet Hoc, Hanoâi, 1989, pp. 204-214, la continuiteù mais aussi la diffeùrence avec les eùcole Thieân preùceùdentes peuvent se constater aø travers la personnaliteù des moines qui s'y succeùdeørent : Thoâng Thieân ; Tuc Lu ; Ung Thuaân ; Tieâu Dao ; Tueâu Trung ; Truc Laâm ; Phap Loa ; Huyeân Quang
(20) La conception non-duelle consideøre qu'il n'y a pas de diff eùrence fondamentale entre les contraires (bonteù-meùchanceteù ; matieøre-esprit ; vie-mort ;.... alors que le " juste milieu " suppose une possibiliteù de choix des moments d'agir pour le meilleur garant de l'harmonie donc du bien individuel et collectif
(21) NGUYEÂN Huu Son - TRAÂN Dinh Su - HUYEÂN Giang - TRAÂN Nho Thin - DOAN Thi Thu Vaân : Veâ con nguoi ca nhaân trong vaân hoc coâ Vietnam (A propos de l'individu dans la litteùrature ancienne vietnamienne) Hanoâi 1997
(22) Traân Nhaân Toâng : 1258-1308 (Traân Khaâm, Phaât Kim, Nhaât Toân) de son nom religieux Huong Vaân dai daâu da ou Truc Laâm dai daâu da ou Giac hoang dieâu ngu, a du guerroyer contre les Chinois et le Champa. Est-ce le spectacle des guerres ou est-ce les besoins spirituels de son entourage et du sien propre qui l'a pousseù aø fonder l'Ecole dhyaniste de Truc Laâm et aø renoncer au troâne en 1293 pour se consacrer aø la propagation du bouddhisme en parcourant son royaume ou en eùtudiant la doctrine au mont Yeân tu.
Ly Dao Tai : 1251-1331 (Huyeân Quang) fut un brillant lettreù et poeøte. Il a renonceù aø la carrieøre mandarinale treøs toât pour se consacrer au bouddhisme. Ses poeømes sont empreints de sentimentaliteù. Il fut le 3eø patriarche de l'Ecole de Truc Laâm
(23) " Nhan " peut se traduire de façon reùductrice par " oisiveteù ". Mais cela ne traduit pas la liberteù sous-tendue qui permet de faire ce que l'on choisit de faire parce que l'on juge plus juste, plus conforme aø l'enseignement reçu. Cela ne suppose pas le retrait de toute action utile aø ses semblables, mais une action en dehors des reøgles rigides d'une administration ou d'une socieùteù reùgie par le neùo-conficianisme. Nguyeân Traân Huaân le deùsigne par " otium " (Maurice DURAND, NGUYEÂN Traân Huaân : Introduction aø la litteùrature vietnamienne, Paris 1969). L'expression " an baân lac dao " ([vivre] tranquille dans la pauvreteù pour accomplir pleinement la Voie) ou celle de " thanh baân " (noble pauvreteù) ajoute une dimension quasi religieuse aø l'attitude.
(24) Parabole de l'Enfant prodigue, Soutra du Lotus, chapitre 4
(25) Taâm QUACH-LANGLET : La compassion transcendeùe, l'oraison pour le rachat des aâmes abandonneùes attribueùe aø NGUYEÂN Du, dans Notes sur la culture et la religion en peùninsule indochinoise NGUYEÂN Theâ Anh &Alain FOREST eùd., L'Harmattan 1995, 135-137
(26) Le peølerinage deùbute le 6eø jour du 1er mois lunaire et se termine le 15eø jours du 3eø mois lunaire et compte 200000 participants en 1997. Le sanctuaire principal est consacreù aø Quaân AÂm des mers du sud (Quan AÂm Nam hai). Mais l'ensemble comporte des cultes deùdies aø Bouddha, aux Arhats, aø la Sainte meøre et au pantheùon des quatre palais. De meâme s'y maintient les pratique des cultes agraires ou celui des pierres.
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