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LA COMPASSION TRANSCENDEE
l ' " Oraison pour le rachat des aâmes abandonneùes "

attribueùe aø Nguyeân Du

Quach Thanh Tam


Preùsentation
Van Chieu Hon (Traduction française)
Van Chieu Hon (Version vietnamienne)

Les Vieâtnamiens coâtoient quotidiennement le monde des morts. Ce monde des teùneøbres est conçu comme ayant les meâmes besoins que celui des vivants, mais il reveât cependant un aspect plus terrifiant puisque les punitions selon la loi du karma y sont d’une incommensurable dureùe. Le culte des morts, dont fait partie le culte des anceâtres et dans une certaine mesure celui des geùnies, a donc pour but non seulement de pourvoir aux besoins des disparus mais aussi d’obtenir le rachat de leur peine.

Une feâte du calendrier traditionnel sino-vietnamien, celle du 15e jour du 7e mois du calendrier lunaire, correspondant aø la feâte de la mi-anneùe des taoïstes (teât Trung Nguyeân), illustre la complexiteù de la perception que les Vieâtnamiens se font de l’au-delaø (1).

Ce 15e jour du 7e mois est en effet le jour de la ceùleùbration du Vu lan bao hieu (ullumbana) (2)des bouddhistes. Ce jour marque la fin de la retraite de perfectionnement des bonzes durant les trois mois pluvieux de l’eùteù (varsavana: an cu kieât ha). Les moines en ressortent purifieùs et plus riches dans leur connaissance de la Loi bouddhique (3). Les prieøres que, regroupeùs en grand nombre, ils psalmodient en ce jour sont alors particulieørement efficaces. De meâme, les offrandes qui leur sont faites aø cette occasion ont-elles des effets amplifieùs. Le Vu Lan bao hieâu est cependant plus qu’une simple ceùreùmonie de prieøres pour le repos des aâmes, il est un acte de chariteù sublimeùe: non seulement les moines prient pour la remise des peines des peùcheùs, mais ils prennent eùgalement ceux-ci en charge. Ainsi le 15e jour du 7e mois est-il " le jour du pardon des aâmes" (ngaøy raøm xa toi vong nhan), c’est-aø-dire que l’on croit qu’en ce jour les aâmes des personnes deùceùdeùes, plus ou moins lourdement condamneùes pour leurs mauvaises actions durant leur vie passeùe (selon la reùtribution des actes ou la loi du karma), peuvent eâtre amnistieùes.

Toutefois, sous les conceptions bouddhistes, se manifeste la permanence de conceptions populaires. Autrefois, on croyait aussi qu’au 15e jour du 7e mois les portes de l’enfer s’ouvraient, libeùrant une cohorte d’aâmes affameùes, nues, en queâte de nourriture et d’habits. Les familles offraient alors des repas aø leurs anceâtres ainsi que des papiers votifs brûleùs au terme d’une ceùreùmonie qui pouvait avoir lieu chez les particuliers, aux cimetieøres (4), dans les endroits de passage (relais, ponts) ou aø la pagode. Les familles frappeùes par un deuil reùcent, invitaient les bonzes chez elles pour faire dire des prieøres pour la paix de l’aâme du deùfunt. Mais les offrandes pour les anceâtres (5)s'accompagnaient toujours d’un plateau deùposeù aø l’entreùe de la maison pour les aâmes errantes. On proceùdait aø ces rites autant par obligation morale, par crainte et par pragmatisme que par chariteù spontaneùe envers ces dernieøres : les vivants s’assuraient de cette façon la tranquilliteù de la part des aâmes affameùes, car les morts insatisfaits pouvaient devenir menaçants, veùritables deùmons destructeurs. Les vivants permettaient de meâme que leurs deùfunts puissent ainsi avoir plus sûrement acceøs aux offrandes qui leur eùtaient reùserveùes.

Les offrandes aux aâmes affameùes consistaient en une simple soupe de riz verseùe dans des cornets de feuilles de banian (chao la da), quelques fruits (en geùneùral des bananes), des gaâteaux de riz gluant en forme de pyramides tronqueùes (oan), du theù, quelques papiers votifs... En ce jour de pardon, les prieøres eùtaient plus importantes et plus efficaces que la quantiteù ou la qualiteù des offrandes.

Aujourd’hui, si beaucoup d’eùleùments du rituel ont disparu, les prieøres pour l’amnistie des damneùs sont toujours dites - car la croyance aø une survivance apreøs la mort se maintient -, le plus souvent aø la pagode et, il est vrai, par des assembleùes en majeure partie composeùes de femmes aâgeùes (6).

Enfin, le 15e jour du 7e mois eùtait une feâte d’Etat. C’eùtait l’occasion de promotions de fonctionnaires, de leveùes de punitions, de relaxations des deùtenus pour deùlits leùgers et d’exemptions de travail pour les forçats (7). Mais surtout, en ce jour - et comme cela se pratiquait apreøs chaque victoire -, eùtait ordonneùes et ceùleùbreùes des ceùreùmonies pour le repos des aâmes des soldats morts au champ de bataille, souvent sans seùpulture et parfois priveùs de culte domestique. Expressions de reconnaissance nationale et culte patriotique, ces ceùreùmonies reveâtaient eùgalement un caracteøre d’exorcisme: elles permettaient d’apaiser ces morts au combat, dans un lieu de violence parmi toutes les violences, morts mutileùs dont les souffrances ne s’eùtaient pas eùteintes avec le souffle de la vie.

Les pagodes, quant aø elles, prenaient le relais pour ceùleùbrer, toujours le meâme jour, un culte aø toutes les "aâmes deùlaisseùes ", en geùneùral victimes de mort violente (8).

"... Mais que d’aâmes deùlaisseùes! Les aâmes des mendiants qui sont tombeùs au bord d’un chemin, et dont quelques pelleteùes de terre ont aø peine recouvert le corps; les aâmes des jeunes gens, surtout celles des jeunes filles mortes avant le mariage, principalement l’aâme de la "Dame Tante paternelle", la vieille fille de la maison morte sans posteùriteù; les enfants mort-neùs, les personnes victimes d’un accident, d’un crime, mortes de mort violente; les guerriers qui tombent sur le champ de bataille, les personnes qui succombent dans une eùmeute, les noyeùs, les criminels qu'on deùcapite, et tant d’autres, de millions d’autres, qui forment la vaste cohorte des "aâmes abandonneùes"... " (9).

Le caracteøre particulier de la feâte de la mi-anneùe (Trung Nguyeân) inspira plus d’un homme de lettres vietnamien, qui composeørent pour cette occasion des oraisons eùvoquant avec plus ou moins de bonheur l’atmospheøre aø la fois libeùratrice et empreinte de pitieù et de crainte envers cette multitude de damneùs.

L’usage de lire des oraisons lors de la ceùleùbration par les moines de la feâte de Vu lan dans les pagodes releøve d’une tradition ancienne. Nous posseùdons, par exemple, une composition de Leâ Thanh Toâng (1460-1497), le Thaâp gioi coâ hoân quoâc ngu van (Texte en langue nationale [pour le culte] des dix cateùgories d’aâmes errantes). Nous posseùdons eùgalement des compositions similaires (10), souvent anonymes, deùposeùes dans des pagodes aø l'usage des bonzes qui ceùleùbraient et ceùleøbrent encore annuellement le culte des morts abandonneùs; ainsi, par exemple, les invocations pour la ceùleùbration du Moâng Son thi thuc (Les dons de nourriture aux aâmes errantes lors de la feâte de Moâng Son) (11).

Ce sont ces oraisons et ces textes qui auraient inspireù le Van Chieâu Hoân, 1’ " Oraison pour le rachat des aâmes abandonneùes " (ou Van Te Thap Loai Chung Sinh), chef-d’oeuvre de la litteùrature en noâm composeù probablement au deùbut du XIXe sieøcle et attribueù aø Nguyeân Du et ouø la compassion se trouve comme transcendeùe.

Il s’agit laø d’un long poeøme de 184 vers, composeù selon le mode 7-7, 6-8 pieds (ngaâm khuc) utiliseù dans les oeuvres ouø l’intrigue et l’action ceødent la premieøre place aux sentiments. Tristesse, nostalgie, deùsolation, reùvolte, compassion sont servies par un rythme proche de la deùclamation et par des rimes assez libres - proceùdeù par exemple utiliseù par Nguyeân Gia Thieu (1741-1798) pour sa " Complainte de l’odalisque " (Cung oan ngaâm khuc), ou par Doan Thi Dieâm (1705-1748) pour sa "Complainte de la femme du guerrier " (Chinh Phu ngaâm).

L’ensemble est diviseù en 4 parties. La premieøre (20 vers) deùcrit le lieu et l’ambiance du culte (on dresse un autel pour demander la leveùe des peines des aâmes). La deuxieøme partie (116 vers) eùvoque ce que furent l’existence et le sort des dix cateùgories de morts condamneùs aø errer sans fin. La troisieøme partie (20 vers) deùplore leur peine et leur souffrance. Et la quatrieøme partie (28 vers) est un acte de foi en la puissance miseùricordieuse du Bouddha capable de sauver ces aâmes.

Le texte utiliseù ici est celui minutieusement eùtudieù par Hoang Xuaân Han en 1977 (12). En 1992, il a eùteù reùeùditeù en tirage aø part par l’Institut bouddhique de la Foreât des bambous (Truc Laâm thieân vieân) sous le titre " La feâte du Vu Lan et les oraisons pour le culte des aâmes errantes ".

Hoang Xuaân Han, lettreù et historien, l’a non seulement annoteù mais aussi compareù aø d’autres versions du meâme poeøme (13)ainsi qu’aux compositions similaires, souvent anonymes, que j’ai eùvoqueùes. De meâme l’a-t-il, par une solide argumentation, attribueù aø Nguyeân Du (pseud.: Toâ Nhu ou Thanh Hieân ).En tout cas, si l’ "Oraison" n’est pas du grand poeøte, elle fut eùcrite au moment meâme ouø celui-ci avait atteint sa maturiteù, au tout deùbut du XIXe sieøcle, et l’eùvocation de la vie de Nguyeân Du comme de la peùriode ouø il a veùcu peuvent tout aø fait servir, au moins par analogie, aø eùclairer la geneøse de cette oeuvre.

Neù le 3 janvier 1766 aø Haø Noâi, mort le 16 septembre 1820 aø Hueù, originaire de Tieân Dieân (Haø Tinh, Centre-Vieât Nam), Nguyeân Du appartenait aø une ligneùe de grands mandarins, serviteurs des Leâ posteùrieurs (1428-1773). Orphelin treøs toât, il connut une vie mateùrielle difficile mais, graâce aø la solidariteù familiale, il reçut une bonne culture classique. Quand les Taây Son (1773-1802), puis les Nguyeân (1802-1954) prirent le pouvoir, il refusa de servir les nouveaux maîtres, fideøle en cela aø l’ideùal confuceùen. Exhorteù par ses amis, il entra cependant dans le mandarinat en 1802 et en gravit vite les eùchelons (grand chancelier, chef de mission en Chine en 1813-1814, vice-ministre).

Il laissa de nombreux ouvrages en chinois et en noâm, dont le ceùleøbre Kim Vaân Kieâu, consideùreù comme le chef-d’oeuvre ineùgaleù de la litteùrature nationale vieât. Mais si, comme nous le croyons quant aø nous, il composa 1’ " Oraison pour le rachat des aâmes errantes " - ouø l’on peut relever de nombreux passages rappelant le Kieâu (la compassion pour Dam Tieân, la courtisane sans culte; l’eùvocation des gens d’armes...) -, c’est dans ce poeøme assureùment que, porteùes par une atmospheøre propice, sa sensibiliteù, sa capaciteù aø traduire la tristesse devant l’aspect eùpheùmeøre, devant la futiliteù de toute chose en ce monde, ont trouveù le mieux aø s’exprimer. Romantique avant la lettre, le lettreù se joignit aø l’artiste pour livrer dans une langue parfaitement maîtriseùe, les freùmissements d’un coeur compatissant et deùcrire les miseøres des opprimeùs.

Ceux-ci eùtaient en effet nombreux en ce temps ouø les luttes pour le pouvoir divisaient les dirigeants et ouø les troubles ravageaient le pays. Car l’eùpoque de Nguyeân Du fut on ne peut plus troubleùe.

Il vit le jour au moment ouø le pouvoir eùchappait, au Nord, aux seigneurs Trinh et, au sud du Hoaønh son, aux seigneurs Nguyeân. La cour de Phu Xuaân (Hueâ) eùtait alors domineùe, entre 1765-1775, par les agissements despotiques de Truong Phuc Loan. Le peuple sur qui pesaient corveùes et impoâts divers s’appauvrissait. Au Nord, on se dirigeait vers la fin des Leâ et des Trinh avec, par exemple, la reùvolte dite " des soldats orgueilleux " (loan kieâu binh) (1782-1786). Depuis le reøgne de Trinh Giang (1729-1740), le pouvoir eùtait deùstabiliseù au fil des deùpositions et des deùsignations arbitraires de successeurs. Trinh Giang avait deùposeù puis fait assassiner l’empereur Leâ Duy Phuong, qu’il avait remplace par Leâ Thuaân Toâng. Durant leurs exercices du pouvoir, Trinh Doanh (1740-1767) puis Trinh Saâm (1767-1782) avaient dû reùprimer reùvolte sur reùvolte. Mais ce fut avec la mort de Trinh Saâm en 1782 et avec la deùsignation de Trinh Can, son fils mineur neù d’une favorite Dang Thi Hueâ, au deùtriment du fils aîneù Trinh Khai que les deùsordres atteignirent leur comble. Le pouvoir eùtait en fait aux mains d’un reùgent, Hoang Dinh Bao, et les luttes des diverses factions deùbordeørent bientoât du cadre du palais pour se deùrouler dans la rue quand les soldats d’eùlite (uu binh) renverseørent Trinh Can et le reùgent pour le compte de Trinh Khai. Ces soldats devinrent aø leur tour les maîtres reùels, dont les exactions firent trembler la capitale.

La campagne, principale source des revenus du gouvernement et frappeùe par l’augmentation des impoâts et des corveùes, eùtait saigneùe par les deùpenses d’une cour luxueuse et d’un appareil administratif prolifique. Le banditisme, l’errance, la mendiciteù et la mortaliteù par manque de moyens de subsistance se deùveloppaient. Les cadavres parsemaient les routes, abandonneùs sans culte. Les reùvoltes paysannes ou seùparatistes, brandissant l’eùtendard du ralliement au souverain Leâ, eùtaient nombreuses et multipliaient deuils, destructions, et seùparations. Ce fut dans ce contexte d’eùclatement qu’apparurent les Taây Son, dont le principal personnage, l’empereur Quang Trung/Nguyeân Hueâ (1753-1792) fut consideùreù comme un heùros sauveur. Vainqueur d’une armeùe chinoise venue occuper le Nord (14), il unifia le pays. Mais il lui manqua du temps pour ameùliorer la vie du peuple, et c’est dans l’eùcho aø peine assoupi des armes que Gia Long (Nguyeân Anh) monta sur le troâne en 1802.

C’est donc plus qu’une simple feâte qui preâte son atmospheøre si particulieøre aø l’inspiration de 1’ "Oraison pour le rachat des aâmes errantes". Composeùe probablement avant 1813, celle-ci porte la marque des trageùdies comme les accents d’un veùritable appel aø l’espoir. Destineùes aux morts, les paroles du poeøte s’adressent tout autant aux vivants deùmunis.

L’enseignement des trageùdies s’exprime en une longue complainte sur la condition humaine. Pour chaque cateùgorie d’eâtres, quelques mots suffisent aø souligner combien sont miseùrables, insignifiants et patheùtiques les efforts de l’homme aø la recherche du bonheur.

Voici les rois allant "en bandes [...], deùmons sans teâte, implorant, pleurant dans la nuit pluvieuse ". Ouø est donc passeùe la grandeur de ceux qui exerçaient la charge supreâme, des "peøres et meøres" du peuple? Quelle deùrision que cette incapaciteù meâme des tenants du mandat ceùleste aø se preùserver intacts! Que d’exemples de rois et de princes au pouvoir eùpheùmeøre, condamneùs aø mort, exeùcuteùs, la peùriode ouø veùcut l’auteur n’a-t-elle pas fournis!

Voici les jeunes filles de bonne condition errant " sans but sur les marais aux joncs, sur la lande aux myrtes ". Il n’est pas de paysages plus patheùtiques, plus chargeùs de mysteøres et de deùsolation que ces landes, maquis, collines de myrtes exposeùs au soleil, que ces marais aux joncs bruissant de bruits inquieùtants, pour faire sentir combien la femme est seule et insignifiante face aø son destin, fût-elle fille de noble ou de puissant, aussi belle et doueùe fût-elle.

Voici les grands mandarins aux prises avec mille fantoâmes se bousculant autour d’eux, guettant leur treùpas pour reùclamer justice. Le pouvoir de vie et de mort deùtenu par un Hoang Dinh Bao ou un Truong Phuc Loan les a-t-il sauveùs eux-meâmes?

Voici les geùneùraux qui font tuer " la multitude des combattants pour le service d’une seule personne ". La critique est aø peine voileùe. Il n’est pas question ici de sacrifice dû aø son seigneur, ni de devoir viril. Et il est difficile de ne pas penser, en lisant ces lignes, aux cris de la femme du soldat enroâleù porteùs par les vers de Doan Thi Dieâm dans "La complainte de l’eùpouse du soldat ", cris de reùvolte de toute femme qui aspire aø un simple bonheur devant tant de guerres, de tueries inutiles.

Voici les chercheurs de richesse qui ne peuvent " emporter une seule pieøce quand vient le moment du grand deùpart "; ils sont pleureùs par des professionnelles, ils sont ensevelis aø la haâte. Ainsi s’exprime la vaniteù de l’argent, dans une socieùteù peùtrie par les vertus confuceùennes de l’honneâte homme, ouø le haut de l’eùchelle eùtait cependant occupeù par un mandarinat qui n’eùtait plus que l’illusoire garant de ces vertus.

Voici les chercheurs de gloire qui s’aventurent en ville, et croient pouvoir vivre de leurs connaissances des lettres. Pointe laø une certain scepticisme quant aø l’utiliteù ou aø l’utilisation des connaissances. L’auteur devait appartenir aø un milieu cultiveù mais n’y-a-t-il pas quelque ameøre allusion autobiographique dans la description de la vie des eùtudiants, pauvres, deùmunis, esseuleùs, parcourant le pays aø la recherche d’un maître ou pour se preùsenter au concours de la capitale - la ville, lieu de tous les dangers?

Voici les marchands aventuriers qui ont "les eùpaules eùcraseùes et rendues calleuses par leurs charges au bout du balancier de bambou". En quelques mots sont reùsumeùes aø la fois la dimension du commerce, la nature du transport et la preùcariteù des petits commerçants. Le ton du poeøme tranche avec le peu de consideùration que leur teùmoigne geùneùralement une socieùteù ouø ils sont classeùs au bas de l’eùchelle. C’est un simple constat qui, notamment avec l’allusion aux eùpaules rendues calleuses par le poids du balancier en bambou, est empreint de commiseùration envers le petit peuple, preuve d’attention, de chaleur humaine, d’humanisme.

Voici les soldats morts au champ de bataille "buvant l’eau des gourdes, mangeant le riz contenu dans des tubes". Ici encore est cerneù en quelque mots l’essentiel d’une existence preùcaire, sans veùritable grandeur, qui contraste avec ce qu’en disent les discours usuels sur le devoir du soldat, les exhortations ou les poeømes mandarinaux exaltant l’heùroïsme de la mort dans les combats. Ces vers rappellent encore ceux de Doan Thi Dieâm:

Thieâp chang tuong ra nguoi chinh phu
Chaøng ha tung hoc lu vuong toân
Co sao cach tro nuoc non
Khieân nguoi thoâi som thoâi hoâm nhung buoân

" Point je n’eusse cru eâtre femme de guerrier / Vous n’avez - que je sache - imiteù les vuong toân (15)/ Alors pourquoi ces eaux et ces monts entre nous? / Pour deùsoler sans cesse nos matins et nos soirs. " (16)

Voici les courtisanes, les miseùrables, les accidenteùs qui "lampent la soupe claire de riz", qui dorment "sur un oreiller de terre"; et les morts-neùs qui pleurent "en petits cris sourds".

Par la puissance incantatoire du verbe poeùtique surgit et deùfile sur l’eùcran de la vie la cohorte des victimes du sort et de la violence - qu’ils ont parfois causeùe -, unies dans un meâme eùlan vers les bras du Bouddha de compassion.

Le Van Chieâu Hoân se preùsente comme un condenseù des eùleùments constitutifs des croyances populaires vietnamiennes. Le bouddhisme est clairement consideùreù comme un dernier espoir et un dernier refuge au-delaø des apparences. Paralleølement, s’expriment tout aussi nettement la crainte des morts abandonneùs et la croyance dans le pouvoir protecteur du Bouddha contre les mauvais deùmons ainsi qu’en l’aura, protectrice pour tous, morts et vivants, du lieu saint qu’est la pagode.

Neùanmoins, la croyance en une juste reùtribution des actes ne suffit pas aø se consoler des injustices si intenseùment deùploreùes. En cette oraison se livre l’aâme sensible d’un auteur rempli de compassion, et souvent malgreù eux, pour les eâtres malheureux. Et le ton du poeøme en fait beaucoup plus qu’une simple exhortation aø se bien conduire par peur du karma. Le tragique destin du monde invisible n’est que le reflet de la condition de l’humaniteù souffrante.

Certes, derrieøre l’interrogation sur la responsabiliteù du sort peu enviable des courtisanes par exemple, paraît s'exprimer le scepticisme d’un auteur qui ne croit plus en une socieùteù juste et eùquitable. Mais la condition humaine est preùsenteùe de façon telle, sans complaisance, qu’un des messages de 1’ "Oraison" paraît eâtre qu’il faut sans cesse et quotidiennement faire preuve de courage et d’espoir, dans ce monde comme dans l’autre. De meâme, derrieøre l’exaltation de la force salvatrice du Bouddha Amitabha, perce l’espeùrance d’une personne en queâte de l’homme meùritant, deùtenteur du mandat ceùleste capable de conduire la multitude vers une vie de paix et de justice. L’auteur ne preùtend pas bouleverser l’ordre traditionnel; il aspire simplement aø une vie normale, sans troubles. Mais il cherche justement un roi digne (minh chua) d’eâtre servi apreøs une longue peùriode d’effritement du pouvoir leùgal. Il appelle de ses voeux la venue du bon gouvernement qui doit enfin s’imposer de lui-meâme; "Nhon nhon Tieâu Dieân Qui Vuong" "bien deùcideù", au vu de tous, le prince "au visage indestructible [...] bannieøre miraculeuse aø la main", qui devrait conduire tout le monde sans exception vers le bonheur. Ce souhait eùgalitaire, eùtrange dans une socieùteù qui eùtait organiseùe sur une reùpartition bien deùfinie des hieùrarchies ("vous qui eâtes arriveùs, asseyez-vous selon votre rang"), reùsulte non seulement de l’influence d’un bouddhisme populaire - eùloigneù des preùoccupations mystiques - , mais aussi d’une aspiration vers un renouveau par l’amour et la toleùrance.

L’ "Oraison" est un long chant de la miseùricorde universelle et un message humaniste aø l’aube du XIXe sieøcle.

Le Van Chieu Hon est eùgalement, nous l’avons dit, un chef-d’oeuvre de la litteùrature vieâtnamienne. L’adaptation française que nous preùsentons ici vise avant tout aø faire comprendre le texte et non aø l’effet poeùtique (17). La traduction qu’en a faite Huu Ngoc (18) reùpond mieux aux exigences litteùraires.

Du fait de notre parti pris, le texte ci-dessous ne saurait rendre toute la force, la qualiteù des vers et des descriptions. Les effets des intonations d’une langue variotonique, le rythme produit par une langue monosyllabique disparaissent, et le vers tombe platement alors que, par le verbe de l’auteur, c’est toute une atmospheøre qui est magistralement campeùe. Voici un exemple, parmi de nombreux autres, de sobrieùteù dans la description et de puissance dans le trait: pour mettre le deùcor en place, un peu comme aø un lever de rideau, l’auteur a choisi deux mots populaires expressifs qui deùsignent aø la fois une pluie qui s’eùternise et des pleurs aø grosses larmes; ainsi ce qu’on traduit en français par "En ce temps du 7e mois, il pleut sans discontinuiteù" (Tieât thang bay mua daâm xuøi xut) eùvoque-t-il en vieâtnamien une ambiance de deùsolation humaine autant qu’une morose atmospheøre climatique...

C’est dire que notre adaptation ne saurait eùgalement rendre toute la reùsonance eùmotionnelle de clicheùs usuels, mais que les poeøtes vietnamiens ont toujours su eùlever au rang de miroirs des sentiments. Traduits dans une langue eùtrangeøre, ces clicheùs deviennent banaliteùs parfois redondantes, ainsi les belles femmes compareùes aø la lune, l’encre vermillon symbole de vie ou de mort, l’eùpingle briseùe, le vase en miettes... Ils sont toutefois perçus par les Vieâtnamiens comme autant de symboles toujours treøs forts, treøs eùvocateurs. L’image n’est pas appreùcieùe pour sa vraisemblance ou son exactitude. Il importe peu qu'elle soit juste ou reùaliste. Elle est appreùcieùe pour quelque chose qui est au-delaø de sa forme; ce sont les eùmotions des geùneùrations successives qu’elle reùveille, qui sont rassembleùes en elle et qui comptent en deùfinitive.

Signalons enfin que, comme toute oeuvre livreùe aø l’usage populaire, le texte a subi d’importantes modifications d’une version aø l’autre et que nombreuses en sont les variantes (19). L’anonymat apparent de l’ouvrage fait de lui une offrande sans limite aø l’humaniteù reùduite aø l’eùgaliteù dans le deùsespoir, dont le deùnuement moral est sans cesse rappeleù par la veùgeùtation pauvre des landes et marais infertiles (joncs, bambous, myrtes), par la frugaliteù, la parcimonie des dons (claire soupe de riz, quelques gouttes d’eau).

Ecoutons aø preùsent le poeøte.

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(1) - Les Vieâtnamiens croient traditionnellement aø la survie de l’individu par la persistance, apreøs la mort, de ce qu’ils appellent hoân (principes vitaux supeùrieurs, au nombre de trois) et via (principes vitaux infeùrieurs, au nombre de sept pour les hommes et de neuf pour les femmes). Ces principes animent l’enveloppe charnelle de l’homme, laquelle est relieùe aø son esprit par un fluide (phach, "peùrisprit"). Cette croyance sous-tend le culte des anceâtres ainsi que les sacrifices aux deùfunts sans famille, sorte de "service social’ de l’au-delaø. Cela dit, la croyance en la meùtempsycose est venue influencer les repreùsentations concernant l’autre monde. Selon cette croyance, chaque eâtre peut preùtendre au paradis, eâtre condamneù aux enfers, ou se reùincarner en une vie meilleure ou sous une apparence infeùrieure en fonction des meùrites ou des deùmeùrites reùsultant de ses actes. Mais avant d’eâtre fixeù sur son sort, le deùfunt doit passer par les " geoâles infernales" (phong doâ), administreùes par le " Grand empereur des geoâles" (phong doâ Dai Deâ) et situeùes sous l’entieøre surface de la terre -- ces geoâles sont eùgalement appeleùes " services " ou " palais de l’Ombre " (Am ty ou Am phu). Dix rois des enfers, chacun disposant d’un pouvoir speùcialiseù, secondent le Grand empereur dans sa taâche de justicier supreâme. Toutes les aâmes en attente de transmigration passent donc par la premieøre geoâle infernale avant d’eâtre jugeùes. Les huit autres geoâles sont des enfers brûlants ouø les damneùs sont condamneùs aø une peine extraordinairement longue avec des supplices particuliers aø chacun de ces enfers (avoir les yeux creveùs, bouillir dans un chaudron d’huile, eâtre donneù en paâture aux animaux feùroces, avoir les os fendus, se faire eùcraser les chairs...), Cf. Toan Anh, Neâp cu, Saigon, Tin Nguong Vieât Nam, 1967, vol. 1, p. 296-317; Nicole Louis-Heùnard (preùsentation et traduction annoteùe), P/ian Keâ Binh,Vieât Nain Phong Tuc (Moeurs et coutumes du Vieât-Nam), Publications de l’EFEO, Paris, 1975, p. 267, 336-337; Leùopold Cadieøre, Croyances et pratiques religieuses des Vieâtnamiens, (2e eùd.) Paris, EFEO, Paris, 1992 vol 1, p. 17.

(2) - Vu tan boân ou utlurnbana ou avalarnba signifie " souffrance sans bornes ", ou " condamnation aø eâtre suspendu aø l’envers " et, par extension, sauver les condamneùs de cette peine. Mais la leùgende qui se rattache aø cette ceùleùbration a fait naître d’autres interpreùtations, provenant surtout de personnes qui se reùfeørent aø la transcription phoneùtique en vieâtnamien aø partir du chinois. Dans Vu lan boân, le dernier mot prend alors le sens de "grand reùcipient". Or, la leùgende raconte que Muc Lieân ou Muc Kieân Lieân (Moggalana), un grand disciple du Bouddha historique, voulait aller en enfer pour sauver sa meøre, condamneùe aø eâtre suspendue aø l’envers et aø une faim insatiable car les aliments prenaient feu deøs qu’elle les portait aø sa bouche; mais, suivant les conseils du Maître, il fit alors des offrandes aux Trois Joyaux (Triratna), le 15e jour du 7e mois, jour de la fin de la retraite annuelle pour le perfectionnement de la communauteù des moines, afin que ceux-ci puissent soulager les peines de sa meøre par leurs efficaces prieøres. D’ouø une des significations de la feâte du Vu lan: feâte du rassemblement de la communauteù monastiques pour le rachat des peines des parents deùfunts, avec des prieøres et avec des offrandes de nourriture offertes aux moines et contenues dans un " grand reùcipient ".

Cette ceùreùmonie est en premier lieu une manifestation de pieùteù familiale, eùtendue aø toute la parenteù deùfunte. L’institut bouddhique de la Foreât des bambous, situeù dans la reùgion parisienne (Villebon-sur-Yvette) et relevant de la hieùrarchie officielle du Vieât Nam socialiste, ainsi que d’autres pagodes indeùpendantes, insistent beaucoup sur cet aspect. A l’institut bouddhique de la Foreât des bambous, on associe les parents aâgeùs aø la manifestation en leur souhaitant longue vie et en leur offrant des fleurs. Le sermon de Thich Thieân Chaâu, supeùrieur de l’institut, publieù aø l’occasion du Vu lan 1992 est significatif: il insiste sur le sens eùlargi de la pieùteù filiale, qui consiste aø aider les parents aø vivre dans le respect de l’enseignement bouddhique, estimant qu’en agissant ainsi, on pratique eùgalement la chariteù; cf. Revue sur le Vu lan, n° 24 (1992, an 2536 du calendrier bouddhique), Hoâ Chi Minh-ville, Association bouddhique du Vieât Nam, 1992, p. 4-6.

(3) - L’ancienneteù dans la vie religieuse est compteùe en nombre de retraites annuelles effectueùes (ha lap), chaque peùriode de retraite durant ces trois mois eùquivalant ainsi aø un an de vie religieuse (tuoâi dao). Cela permet, d’une part, de concilier la vie engageùe dans le monde (nhaâp theâ) et la vie de renoncement (xuaât iheâ), apparemment inconciliables, et, d’autre part, de respecter la prolifeùration de la vie sous toutes les formes durant ces mois humides et chauds; cf. Hoang Phap (Propagation du Dharma), n°63 (juillet 1991), journal eùditeù par l’Association bouddhique Linh Son (Tu Vieân Linh Son), Joinville-le-Pont, p. 6-9.

(4) - Chaque village posseøde son cimetieøre appeleù encore " foreât froide " (haøn laâm). On y construisait des petits pagodons ou des estrades aø ciel ouvert pour le culte de toutes les aâmes deùlaisseùes, appeleùs " pagodons pour aâmes errantes " (am chung sinh). Autrefois, un meùdium entretenait l’encens et priait du matin au soir. Tous les premier et quinte du mois, durant l’eùteù, on offrait aø toutes les aâmes du bouillon de ni dans des cornets de feuilles de banian. Cf. N. Louis-Heùnard, Phan Keâ Binh..., op. cii., vol. 1, p. 132.

(5) - Au moment du Vu lan mais aussi lors des anniversaires de deùceøs ou en toutes autres circonstances ouø les deùfunts eùtaient honoreùs.

(6) - Nous avons assisteù aø la ceùleùbration du Vu lan en août 1991, lors d’une visite dans plusieurs pagodes du Vieât Nam dont la pagode de Ouan Su (Auberge des ambassadeurs), la premieøre dans la hieùrarchie officielle, aø Haø Noâi, et celle de Lieân Hoa Nhaât Tru (Unique colonne de prieøre en forme de fleur de lotus) dans la province de Ninh Binh. Il y avait une nombreuse assistance dont beaucoup de femmes aâgeùes. Les sacrifices se renouvelaient durant la journeùe; les visiteurs offraient des dons en argent et en offrandes, et recevaient des gaâteaux de riz en forme de pyramide tronqueùe (oan). Partout, nous avons entendu les invocations au Bouddha de miseùricorde.

(7) - N. Louis-Heùnard, op. cit., vol. 1, p. 267.

(8) - Nous avons vu (cf. note 2) que la ceùreùmonie du Vu Ian eùtait en premier lieu destineùe au salut des parents deùfunts. Comment s’est effectueù l’eùlargissement aø toutes les aâmes abandonneùes? La reùponse serait aø chercher dans la miseùricorde enseigneùe par le bouddhisme mahaâyaâna mais aussi dans la crainte, preùsente depuis la nuit des temps, des deùmons et fantoâmes livreùs aø eux-meâmes. Hoang Xuaân Han, citant le Grand dictionnaire du bouddhisme et le teùmoignage de vieux veùneùrables a proposeù de rechercher dans l’histoire d’Ananda et du deùmon affameù Dieâm Khaâu (Eleùgante bouche) une justification de cette extension. Selon cette histoire, Ananda rencontra, par une nuit deùserte, un deùmon crachant du feu, du nom de Dieâm Khaâu ou Dieân Nhieân (" Visage intact ", c’est-aø-dire insensible au feu qu’il crache). Ce deùmon affameù, treøs laid, Le cou fort maigre, lui preùdit une mort proche et qu’il serait lui-meâme transformeù en deùmon fameùlique. Effrayeù, Ananda lui demanda s’il eùtait possible d’eùchapper aø un tel sort et le deùmon reùpondit qu’il pourrait vivre plus longtemps et, enfin, monter au ciel s’il pouvait offrir le lendemain une mesure de vivres a chacun des nombreux deùmons affameùs. Ananda s’empressa de relater l’incident aø son Maître le Bouddha; celui-ci lui donna une formule magique (dhaârani) qui lui permit de fournir la quantiteù de nourriture prescrite aø la multitude des deùmons. Selon certains veùneùrables, Dieâm Khaâu est l’une des nombreuses manifestations de Quan aâm (Kouan Yin, cf. infra note 26) conduisant la cohorte des morts affameùs vers le salut. Cf. Hoang Xuaân Han, " Leâ Vu Lan voi van teâ coâ hoân" (La feâte du Vu lan et les oraisons pour les sacrifices aux aâmes abandonneùes), Taâp Chi Van Hoc (Revue d’Etudes litteùraires), Institut d’Etudes Litteùraires, Ha Noâi, n° 2 (1977), p. 117-145; cet article a eùteù repris en tirage-aø-part en une publication de l’institut bouddhique de la Foreât des bambous (Truc Laâm Thieân Vieân), Villebon-surYvette, 1992: c’est aø la pagination de ce tirage-aø-part que nous renvoyons au fil des notes suivantes.

Le Vu lan est donc une feâte de pieùteù filiale, au sens large, une feâte de chariteù mais aussi une ceùreùmonie bouddhique d’exorcisme, destineùe aø empeâcher les mauvais deùmons de nuire en les sauvant et non en les punissant. Signalons que dans le deùroulement des ceùreùmonies du Vu lan 1991, aø la pagode Linh Son en reùgion parisienne, des sacrifices (chaân teâ) aux aâmes abandonneùes ainsi que des seùances de meùditation (thieân dinh) eùtaient programmeùs; cf. Hoang Phap, op. cil., p. 41.

(9) - L. Cadieøre, op. cil., p. 18.

(10) - Hoang Xuaân Han signale, par exemple, l’existence d’autres textes destineùs aux sacrifices des aâmes errantes ceùleùbreùs dans les pagodes, textes regroupeùs dans un recueil intituleù Le Tung Haønh Tri Taâp yeâu chu nghi (Recueil des reøgles essentielles de la reùcitation des observances) et preùfaceù en 1883.

(11)- Les auteurs consideørent que le Mong Son thi thuc serait apparu au XVe sieøcle. Ce texte comporte de nombreuses variantes en des documents et compilations diffeùremment dateùs:1883 [Doâng Khanh rnaâu Ty (12-2-1888/30-1-1889) ]; Ung pho du bieân, 1895 [ Khai Dinh Nhaâm tuaât (28-l-1922/15-2-1923) ]...

L’eùnumeùration des cateùgories d’aâmes comporte elle aussi des variantes selon les textes. Dans la composition de Leâ Thanh Toâng, les cateùgories eùvoqueùes sont: les moines zen, les religieux taoïstes, les mandarins, les lettreùs, les geùomanciens, les meùdecins, les officiers, les filles de joie, les commerçants, les libertins. Le Mong Son thi thuc eùvoque douze cateùgories d’aâmes: rois et princes, officiers, mandarins, lettreùs, moines zen, religieux taoïstes, commerçants, soldats, femmes mortes en couche, incultes sourds et muets, dames de cour, prisonniers et mendiants; cf. Lich su pliaât giao VN (Histoire du bouddhisme vieâtnamien), Ha Noâi, Ed. des Sciences sociales, 1988, p. 279. Le texte du Moâng Son thi thuc qui se trouve eùgalement dans le recueil Ung pho du bieân de 1895, eùvoque quant a lui dix cateùgories d’aâmes: rois et grands mandarins, geùneùraux et soldats, accidenteùs morts loin de chez eux, morts de miseøre en terre eùtrangeøre, prisonniers et mortes en couches, corveùables et voyageurs-commerçants, chanteurs et jeunes gens aø la recherche d’une vie de religion; cf. Hoang Xuaân Han, op. cil., p. 26-32.

(12) - Op. cil.

(13) - Dans son eùtude, Hoang Xuaân Han a on effet preùsenteù diverses versions de 1’ " Oraison " :

- une version en noâm extraite de l’ouvrage Ung Pho Du Bieân (Recueil pour reùpondre aux besoins) graveù on 1895 par le bonic Tang Dai et dont les planches sont entreposeùes aø la pagode de Hung Phuc (Bac Ninh);

- une version en quoâc ngu (alphabet latin) translitteùreùe aø partir du noâm par Leâ Thuoc, qui est deùposeùe aø la pagode Dieâc au Ngheâ An et qui a eùteù publieùe dans l’ouvrage Histoire de Nguyeøn Du (Haø Noâi, 1924). Notons que Leâ Thuoc, l’un des derniers laureùats des concours traditionnnels (1918), originaire du Haø Tinh, pays natal de Nguyeân Du, a eùtudieù les oeuvres de ce dernier et est arriveù aø la conclusion que 1’ " Oraison est bien l’oeuvre du grand poeøte;

- une troisieøme version, eùgalement en quoâc ngu, fut publieùe dans le Van Dan Bao Giam (Preùcieux miroir de la tribune litteùraire), livre rassemblant les oeuvres anciennes de diffeùrents auteurs (Ha Noâi, 1926).

Hoang Xuaân Han signale eùgalement une autre eùdition, en 1932, probablement celle parue dans la revue Nam Phong (Vent du Sud), XXXI/178 (1932), p. 502-504.

(14) - A la bataille de Dong Da, dans la ville meâme de Haø Noâi, en janvier 1789

(15) - Les personnes de famille noble.

(16) -Eleùgie de la lemme du guerrier (trad. Huynh Khac Dung), Saigon, 1969, p. 36.

(17) - Nous utilisons pour cette adaptation en français le texte reconnu par Hoang Xuaân Han comme le plus authentique, c’est-aø-dire celui translitteùreù par Leâ Thuoc (cf. note 13) et attribueù aø Nguyeân Du. Nous respectons eùgalement les modifications que Hoang Xuaân Han a apporteùes au texte de Leâ Thuoc, modifications eùtayeùes par une solide argumentation, pour reùtablir autant que faire se peut le poeøme dans sa version la plus proche de l’original.

(18) - ln: Nguyeân Khac Vieân et Huu Ngoc, Litteùrature vietnamienne, Haø Noâi, 1979, p. 315-319.

(19) - Cf. note 13.



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